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Il fait très beau, et déjà très chaud, le contraste avec l'intérieur de la maison est frappant. C'est une impression bizarre que de se préoccuper du temps, tout d'un coup, et je commence à comprendre toutes ces vieilles personnes qui le prennent en si grand intérêt. Il est si bon, finalement, de ne s'inquiéter que du temps qu'il fait ou qu'il fera, après une vie bien remplie, trop remplie parfois.

- Tu viens ?

Elle me tire de mes rêvasseries, elle est vraiment jolie avec sa tenue de cow-boy. Je finis de l'aider à seller mon cheval, ce n'est pas tout à fait la même chose que lorsque je sellais les chevaux avec Virginie. La selle est beaucoup plus grosse. Mais après tout nous sommes en Amérique, pays de la démesure... Il est vrai qu'au gabarit des gens du pays, je me sens tout petit. Je comprends qu'elle me trouve rabougri... Leur ranch a tout de même l'air d'être une vieille maison.

- La famille de ton père occupe ce ranch depuis longtemps ?

- Depuis toujours, mon grand père est mort jeune, mon père n'avait que vingt ans. Sa mère s'est remarié et il a repris avec ses deux jeunes frères l'exploitation. Ses deux frère n'étaient pas vraiment intéressés, ils ont finalement quitté le ranch pour vivre leur vie, l'un est vendeur de voitures à Austin, l'autre vadrouille à droite et à gauche depuis vingt ans... Avant ça mes arrières grands-parents habitaient déjà ici, ainsi que leur parents... À vrai dire je ne sais pas trop depuis combien de temps les Brownwood habitent dans cette maison, sans doute plus d'un siècle, papa garde dans un coin du sous-sol tous les vieux meubles et les vieux papiers de la famille... De quoi faire un joli feu de bois...

- Tu ne t'intéresses pas à l'histoire de ta famille ?

- Pas vraiment... Après tout c'est le passé... Qu'est-ce que je peux y faire, rien, c'est le présent et le futur qui comptent, non ?

- C'est parfois intéressant d'apprendre d'où l'on vient...

- Bah ! Je préfère laisser les fantômes du passé là où ils sont...

- Certaines choses se sont produites dans le passé de ta famille ?

- Je crois, je n'ai jamais osé demandé à mon père... C'est en rapport avec la mort de son père, et puis d'autres choses avant, mais... Enfin, je préfère ne pas m'en préoccuper...

Elle accélère un peu, j'ai un peu d'appréhension je n'ai jamais vraiment fait de gros galops avec un cheval, heureusement le mien suit celui de Deborah sans que j'aie trop à faire.

Elle me fait visiter l'exploitation principalement constituée de champs de coton et d'élevages de boeufs. Nous trottons ou galopons le long d'immenses champs sur des chemins de terre quasi déserts. Ma jambe me fait toujours un peu mal.

- Deborah ? Est-ce que tu pourrais me mener à un docteur dans le coin ?

Elle fait ralentir son cheval et vient le placer à-côté du mien.

- Quelque chose ne va pas ?

- Ma jambe me fait toujours mal. Je me demande si je n'ai pas quelque chose à l'intérieur, j'aimerais passer une radio pour être sûr.

- Je vais faire les courses en ville normalement tous les jeudis, je connais une amie qui travaille à l'hôpital là-bas. Si tu peux attendre jusque là tu viendras avec moi jeudi prochain, ça te convient ?

Ce planning me sied parfaitement, tout en me laissant espérer pouvoir passer quelques jours supplémentaires en sa compagnie. Nous