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galopons une bonne partie de la matinée, elle m'explique un peu son rôle, qui consiste principalement à superviser le travail des employés de son père qui manient des tracteurs immenses et s'occupent de l'exploitation. Elle décrit les différentes contraintes, la gestion de la clientèle, des grandes surfaces. Elle s'étonne de voir que je m'intéresse à tous ces détails. J'essaie de comprendre si le mode de fonctionnement est identique à celui de la France, ou si les exploitants ont plus de poids ici. Je l'aide à réparer deux ou trois parties endommagées dans les enclos, et diverses autres tâches qui me donnent un peu d'air pur après toutes les idées qui me sont passées par la tête depuis mon départ de Paris.

- Tu as toujours vécu ici, alors ?

- Oui pratiquement, à part mes années d'études à Austin.

- Ta mère est où, maintenant ?

- Elle s'est remariée, elle est dans Winsconsin maintenant, je ne la vois presque jamais.

- Elle ne te manque pas ?

- Non... Je comprends qu'elle n'aie pas pu supporter mon père, mais c'est quand même elle qui est partie. J'ai passé deux ans avec elle quand elle a quitté papa, puis je suis revenue, elle ne m'a jamais vraiment demandé de revenir ensuite, je ne crois pas qu'elle avait vraiment envie que je la suive, de toute manière... Je crois même qu'elle n'a jamais vraiment voulu d'enfants...

- C'est dur de dire ça, non ? Tu lui en veux ?

- Non, pas vraiment, je n'ai jamais vraiment eu d'affinités avec elle, de toute manière... Elle ne doit pas y être pour rien d'ailleurs... Mais parlons un peu de toi, plutôt, qu'est-ce que tu fais de beau, quand tu n'es pas poursuivi par des hélicos de l'armée dans des voitures de course au milieu du Texas ?

Je lui raconte un peu ce que je fais en France, à Paris... Mais elle n'est pas très curieuse, et quand je lui ai dit que je travaillais dans l'informatique, que j'avais un frère et que mes

parents habitaient dans les montagnes, elle ne veut pas vraiment en savoir plus.

Nous rentrons finalement pour 13 heures. Son père n'est pas encore de retour, mais il appelle pour prévenir qu'il arrive, et qu'il a invité Ted et son fils Billy. Deborah a l'air heureuse de l'apprendre, c'est effrayant ! Il semble qu'elle n'apprécie pas outre mesure l'idée de devoir préparer le repas d'une part, et de devoir rencontrer son prétendant d'autre part. J'essaie de la calmer en lui proposant mon aide pour la préparation du repas. Préparation du repas qui, par mes pitreries, réussit à la faire rire aux éclats et oublier un peu son mauvais caractère.

En Amérique on mange de la viande, et la cuisine est une vraie boucherie, littéralement, tout l'attirail du parfait boucher doit se trouver disponible, du plus petit canif au plus gros couteau, en passant par toute une gamme de matériel de torture varié ; j'ai l'impression que je vais faire une sérieuse cure de protéines animales pendant ces quelques jours... Le repas prêt, nous nous installons confortablement dans le grand salon pour regarder les informations, mais finalement son père arrive quelques minutes plus tard. Je suis atterré par l'entrain de Deborah pour accueillir Billy. Elle joue la petite fille amoureuse à merveille. J'ai du mal à croire que son père ne se doute de rien. Qu'elle soit si douce avec Billy alors qu'elle est si rude en temps normal. Et j'ai d'autant plus de mal à admettre qu'elle supporte l'idée que tout le monde pense que le jeune Billy est arrivé à amadouer la rebelle Deborah. Peut-être n'est-elle pas si dure, après tout. D'un autre côté, vu ce à quoi elle s'adonne par derrière, si ce qu'elle dit est vrai, je pense qu'elle a mille fois sa revanche. En la voyant ainsi j'imagine que je suis un peu jaloux, même si je sais qu'elle joue, ou au moins je m'en persuade. Autant je sais qu'il ne faut pas que je tente de la séduire, parce que je vais partir, parce que ce serait entrer dans son jeu, parce que je ne veux pas considérer que son style de vie me satisfasse, autant je crois qu'elle me plaît, et je crois que j'ai déjà tenté, en préparant le repas, de faire le beau. Mais bon, Billy est déjà un grand gaillard beaucoup plus beau et fort que moi. Et si ce que dit Deborah est vrai, ses autres amants doivent l'être encore plus. Alors, je peux bien pavaner, je n'en serai que mieux calmé quand elle me rabaissera à mon rang, à savoir celui de petit rabougri. Et surtout, ma morale et ma