Trouver la voie sur laquelle on marche et marchera s'immisce presque naturellement dans chacune de nos actions depuis l'enfance jusqu'aux regrets (ou remords, rétorqueront certains), mais n'ayant prétention à parler au nom des hommes, et une fois de plus mon égocentrisme légendaire s'exaltant, je consacrerai cette réflexion à ma vie, en me concentrant tout d'abord sur les causes de ces questions, puis sur les manifestations des réponses, les échecs, et les réussites.
Plan en trois parties, classique, pour ne pas choquer le correcteur, pas de citations, cependant, je n'ai jamais très apprécié trop m'appuyer sur les idées des autres, m'imaginant sans doute que leurs pensées, d'une façon ou d'une autre, m'avaient touché auparavant et influençaient mes propos.
Les raisons du pourquoi chercher une voie, une philosophie, ne doivent pas être en apparence bien compliquées. Le monde dans lequel j'ai grandi, le pays, pour être plus précis, me permettant de ne m'inquiéter que modérément de mon avenir et des problèmes tels que la nourriture et le logement. J'ai eu tout loisir de désirer autre chose qu'une piste profonde de vie classique. Car, même si le besoin restait loin, ce n'est pas pour autant que le bonheur, ou la satisfaction du présent, se manifestait. Se laisser vivre, si cela, dans son insouciance, apporte une voie toute tracée, n'en soulève pas moins des inquiétudes. Et si cela ne continuait pas ? Et si la guerre revenait ? Et si une catastrophe arrivait ? Nos vies sont si fragilement liées à l'environnement, que le moindre minuscule changement pourrait changer pour toujours l'impression de progrès et de sécurité. Mes préoccupations premières étaient d'ordre plus intemporel, sûrement liées à mon intérêt, étant jeune, à l'astronomie et la préhistoire. Et c'est indubitablement les risques d'une chute de météorite ou de surpopulation qui me faisaient espérer de tout coeur un rapide essaimage de l'humanité vers les planètes voisines ou l'univers en général. Mais, hormis peut-être prétendre à participer au développement d'une technologie aidant les voyages interplanétaires, il est difficile de se préparer à une chute de météorite. Cependant ma jeunesse dans un petit village protégé m'a permis, en tous les cas, de rester loin des soucis des jeunes de mon âge, de me consacrer à l'école, le catéchisme, et récré A2, même si je regrette un peu le laxisme de mes parents quant à me laisser regarder ces émissions. Mais c'est sûrement une part importante de moi qui en découle, vu le temps
que j'y ai passé. Dans le cas contraire c'était vraiment du gâchis, hypothèse que je ne repousse pas totalement. Je ne sais pas si j'ai vraiment cherché une voie à ce moment là, avant mes dix ans. Ou si c'était plus l'absolue vérité, en tous les cas à mes yeux, qui sortait de la bouche des grands qui me poussait, sans que je n'aie à me poser de questions, vers la route pure et simple d'une pratique religieuse modérée. En suivant les principes des commandements, en attendant patiemment que les jours s'écoulent, que les automnes passent, et que je devienne docteur ou pompier, pour être grand à mon tour, pour avoir une voiture et des comptes à faire, et connaître tout sur le monde en attendant d'être grand-père.
Le collège et le véritable contact avec le monde de mon époque sont une étape, si ce n'est difficile, au moins intéressante sur ma vision du mal, des hommes, et du futur. J'y découvre que la radio ne se limite pas à France-Info, les préoccupations des autres, la télévision qui montre d'autres images que des dessins animés, l'histoire noire, les guerres, tellement proches, pleines de conséquences, encore présentes même, le mensonge. Petit à petit plus grand chose ne tient, pas plus la religion faite par des menteurs, que le doux avenir de docteur ou de pompier, de spationaute peut-être. Mais il est dur, trop dur, révoltant même, de se séparer de son enfance, de réfuter tout ce dont on a mis des années à s'imprégner. Dur d'accepter qu'il n'y a pas de vérité, que tout est caution à critique, doute, suspicion. La crise d'adolescence n'est sûrement pas beaucoup de notre faute, vous les grands qui nous parliez de Père Noël, de joie et de calme, pourquoi d'un coup nous mettre devant vos erreurs, vos faiblesses, vos vices, et espérer que nous aurions encore quelque chose à croire de vous, ou à espérer ? Toujours est-il que si l'apparence est restée sage, il n'en est pas moins vrai que la recherche d'une voie, ma voie, s'est affirmée quand, alors grandissant, à quinze ans, en seconde, année fondamentale, tous mes rêves et espoirs d'une humanité dans l'humanité s'envolaient. Que pouvez-vous espérer de nous, face à votre monde ? Que pouvions nous faire que chercher une autre voie ? C'est sûrement plus le besoin même que la nature de cette voie qui me hantait, le besoin de savoir, voir, vouloir quelque chose, quelque chose qui tienne, qui ne s'effondre pas comme tous les châteaux de cartes précédents, quelque chose qui soit là quand il fait froid, quand je suis seul, quand je suis triste,