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opposé à la direction d'où venaient les hommes abeilles, nous décidons de fêter notre glorieuse traversée par un feu. Et la fête ne s'arrête pas là car en sus du poisson, nous attrapons deux petits animaux. Nos réserves de sels nous autorisent même un assaisonnement, le vrai Paradis !... Il y a maintenant plusieurs jours que nos combinaisons ont montré signe de fatigue, et leur fonction de régulation thermique devenant inopérante, il devenait difficile de les supporter ; nous les portons donc en bandoulière, Naoma s'autorisant une petite exception en déchirant la sienne, ce qui n'a pas été chose aisée, pour se confectionner un petit haut des plus affriolant.

Vingt-neuvième jour, il pleut, aucun espoir de prendre la mer, beaucoup trop mouvementée. Nous pêchons donc et entreprenons le rajout d'une gouverne à notre radeau. Lors d'une accalmie nous grimpons en haut du rebord, mais le ciel trop chargé ne nous permet pas de voir suffisamment loin. Ce cratère est plus petit que ce que j'aurai cru au début, et ne doit pas dépasser quelques kilomètres de diamètre, peut-être dix. Il ne comporte d'ailleurs pas une jungle aussi dense que la cocotte minute géante de notre cratère d'accueil nous avait concoctée.

Erik regarde l'horizon :

- On ne voit plus le gros cratère d'où ils semblaient venir.

Je confirme :

- Non le ciel est trop bas.

Naoma n'est même plus très sûre de la direction :

- C'était par où ? Pourtant on voit l'horizon.

Je crois me rappeler :

- Par là je crois, mais sans soleil c'est difficile à dire, toutefois il était à peu près dans l'alignement entre le cratère dans lequel nous sommes arrivés là-bas et le petit où nous avons fait notre première pause.

Erik s'interroge lui-aussi :

- C'est à quelle distance tu penses ?

Mais je reste indécis :

- Difficile à dire, je me rappelle pendant mes randonnées dans le Sud de la France que nous étions supposés, par endroit, voir la Corse qui est une île qui se trouve à plusieurs centaines de kilomètres. D'ailleurs Naoma a raison, comme on voit l'horizon, le cratère doit se trouver derrière la courbure de la planète ; on peut tenter de calculer une estimation de la distance.

Je trouve une pierre et un rocher adéquat pour ma démonstration et entreprend quelque menue géométrie.

- Si nous considérons que cette planète à un rayon de six mille kilomètres, un peu moins que la Terre, que c'est une sphère parfaite et que le rebord de notre cratère d'accueil est à un kilomètre au dessus du niveau de la mer. Si nous admettons de plus que le cratère vers lequel nous allons dépasse aussi le niveau de la mer d'un kilomètre, la distance maximale à laquelle nous pouvons voir l'autre du haut de l'un se trouve en cherchant la longueur du troisième côté d'un triangle dont les deux premiers mesure chacun six mille un kilomètres...

Naoma écoute attentivement :

- On peur arrondir à six mille...

- Non surtout pas ! Car c'est ce kilomètre qui fera toute la différence ! De plus nous savons de ce triangle que la hauteur, qui est un rayon de la planète, perpendiculaire au troisième côté mesure six mille kilomètres.

Erik s'intéresse aussi au calcul :

- On peut faire Pythagore.

- Tout à fait, cela nous donne le calcul de deux fois la racine carrée de six mille un au carré moins six mille au carré. Tu vois que si j'avais arrondi à six mille, et bien je serai tombé sur six mille moins six mille, soit zéro.

Erik entreprend déjà le calcul de tête :