page 264 le patriarche 265

richesse des gens, mais ses déviances et surtout la faiblesse des hommes le rendent de moins en moins intéressant pour l'ensemble. Désormais les hommes entreprenants ou talentueux détournent trop le système en leur faveur en redonnant de moins en moins, alors que le principe serait de trouver l'équilibre qui ne brime pas les ambitions ponctuelles, mais qu'elles soient mises à profit pour la société en général. C'est un peu aussi la raison pour laquelle je trouve la plupart des systèmes socialistes utopiques. Ils ne prennent pas assez en compte que beaucoup d'hommes aspirent uniquement au pouvoir et à la domination. Et quel que soit le système, à quelques exceptions près, je pense que ce seront toujours ces mêmes personnes qui auront le pouvoir, parce que leur seule ligne de conduite, c'est d'obtenir ce pouvoir, que ce soit dans une dictature communiste, une dictature capitaliste, ou une dictature tout court.

- Vous pensez donc que l'homme n'est pas bon à la base, que ça dépend complètement de son environnement ?

- Je suis partagé sur cette question. Toujours est-il que s'il est bon à la base il est facilement corruptible à mon goût, et la situation finale est la même.

- J'ai la faiblesse de croire pour ma part que l'homme est bon, mais nous ne savons certainement pas lui parler dans les termes adéquats.

- Peut-être que beaucoup d'hommes sont comme vous le pensez, mais toujours est-il que certains autres vendraient mère et père pour arriver à leurs fins. Et je pense que ce sont ceux-ci qui nous dirigent, parce que leur ambition est plus importante que leur morale, ils sont prêts à tout pour la satisfaire...

Je m'interromps un instant, plus très sûr de mon raisonnement.

- Enfin... Je ne sais pas, je ne sais pas trop ce qui est vraiment au fond de l'homme... Je ne sais pas...

J'essaie de revenir un peu à mes préoccupations premières, nous avons considérablement divergé :

- Vous pensez que ces cahiers peuvent contenir des éléments

susceptibles de remettre en question la religion et certains de ses préceptes ?

- De ce que j'ai lu, je ne pense pas. Mais la personne qui a écrit ces textes semble néanmoins faire partie d'une sorte d'organisation influente. Il se pourrait que la religion fut un des moyens de pression sur le reste de la population de ce groupe. Tout ceci n'est que supposition, bien sûr. Mais ça pourrait expliquer pourquoi cette organisation commence à prendre peur en sentant son pouvoir s'effriter. Peut-être cherche-t-elle d'autres moyens d'influence. Et ce danger auquel elle a été soumise de tous temps est peut-être simplement le risque d'être découverte. Mais je n'ai pas trouvé suffisamment d'éléments pour savoir vraiment de quoi il en retourne et vous en dire plus pour l'instant.

Je relâche un peu mon attention et m'assois plus confortablement sur ma chaise.

- Je me sens bien inutile, je ne peux que difficilement vous aider.

- Ne vous en faites pas, chacun est utile à son heure, et il se peut que la votre vienne plus vite que vous ne le désiriez vraiment. Vous aurez sans doute pas mal d'embûches dans la suite de vos aventures, mettez donc à profit ces quelques jours de clémence pour reprendre des forces.

- Vous avez sans doute raison, peut-être devrais-je vous laisser tranquille, alors. Nous pouvons nous voir demain à la même heure ?

- Oui, d'ici là j'aurai sans doute un peu plus d'informations à vous communiquer.

Je laisse donc David à mes cahiers, et rentre doucement en centre ville. Je serre toujours la pierre dans ma main. Petit à petit, j'arrive à m'en séparer, la placer simplement dans ma poche suffit à ne pas me rendre mal. L'accoutumance semble s'amenuiser.