page 438 le patriarche 439

désespérante ?

Alors que je suis profondément plongé dans mes pensées, accroupi devant mes calculs, elle me pousse légèrement, sans doute pour savoir si je vais toujours bien. C'est la première fois qu'elle me touche. Accroupi, je suis déséquilibré et je roule par terre, je me laisse rouler et je fais le mort, puis je souris. Elle semble toute gênée puis voyant que je vais bien elle rigole. Je me redresse et prend l'air très méchant. Elle recule d'un pas et s'apprête je pense à utiliser son bracelet. Je suis loin d'avoir sa confiance totale... Je tend la main en signe d'apaisement, pour prendre la sienne, elle hésite puis accepte. Je pensais lui faire un baisemain, mais j'ai peur que cette pratique primitive ne l'effraie, et je me contente d'une petite pression avant de la relâcher.

J'ai tant de questions à lui poser, mais tant de choses que je ne sais pas comment exprimer. Je me résous alors à reprendre mes cours de langue, pour apprendre plus de vocabulaire. Nous terminons ainsi l'après-midi en apprenant et baladant dans le village et la forêt alentours. Elle me raccompagne par la suite dans le chalet avec Erik. Il n'est pas spécialement chaleureux :

- Alors ? Ça s'annonce bien ? Tu te la fais quand ?

Je ne le regarde même pas.

- J'apprends la langue.

- Te fous pas de moi, tu oublies vite tes amis on dirait, remarque je ne peux pas vraiment te le reprocher j'étais pareil... Pourquoi tu ne t'es pas enfui quand elle t'a donné l'usage de tes jambes ?

- Tu me fais chier Erik, m'enfuir pour quoi, pour qu'elle me paralyse de nouveau et nous laisse crever ici ? Et même, en considérant que j'y sois arrivé, qu'est-ce que j'aurai bien pu faire ? Fabriquer une machine à remonter le temps avec du bois et des cailloux dans la forêt pour la ramener ?

- J'en sais rien, mais c'est pas en draguant l'autre pétasse que ça va la ramener non plus.

Jusqu'à présent je n'ai pas eu envie de m'énerver avec Erik,

comprenant très bien la douleur qu'il pouvait ressentir et qui justifiait qu'il m'en veuille. J'espérais que la situation pourrait évoluer, et qu'il reprendrait confiance en moi, mais ce n'est pas vraiment ce qui se produit. Je décide alors d'être un peu plus incisif :

- Merde ! Tu vas continuer à me le rappeler combien de temps ? Oui c'est ma faute si elle est morte ! Et je sais les sentiments que tu avais pour elle ! Et je sais aussi qu'elle s'était fâchée après moi juste avant ! Et aussi que même si on la ramène ce ne sera jamais comme avant, parce qu'elle sera sans doute comme quand elle est arrivée sur Stycchia, pleine de méfiance à ton égard. Et je sais aussi que David est mort par ma faute, et peut-être que Deborah a eu des ennuis par ma faute, et Marin, et Patrick, et mes amis de Sydney, et ma famille, mes amis! Mais mince ! Je peux pas tout Erik, je peux pas tout gérer... Je pense que c'est important de gagner la confiance de Pénoplée pour avoir plus d'informations sur ce qu'il se passe ici et aussi si nous pouvons sauver Naoma. Oui elle me plaît, OK, mais quoi ? Je devrais faire pénitence toute ma vie ? Je n'ai jamais été tourné vers le passé, la tristesse c'est pas mon truc, je vais de l'avant, c'est en moi, c'est pour survivre, pour ne pas baisser les bras, pour que tous ceux qui ne sont plus là par ma faute puissent être fiers de moi... Je ne suis pas contre toi Erik, je ne l'ai jamais été, mais je ne suis pas parfait, parfois je suis faible et fatigué, et je fais des erreurs, mais tu préfères quoi, que je reste ici à attendre le jugement dernier ? Moi aussi je suis mort, déjà...

Il m'a écouté sans rien dire, mais me répond à peine et s'allonge sur son lit.

- OK OK c'est bon.

Nous ne parlerons plus de la soirée, et après avoir mangé un bout des fameux petits gâteaux sucrés-salés, je me couche directement, alors qu'il fait encore bien jour dehors. Les remarques d'Erik m'ont rendu triste, alors que j'étais rentré plein d'espoir. Je suis tout de même resté libre tout l'après-midi, et je trouve avoir considérablement progressé dans l'apprentissage de sa langue. Bien entendu huit mots sur dix seront oubliés d'ici demain, mais à force de répétition et de volonté, je pourrai en un mois ou deux me débrouiller. Un mois ou deux... Déjà plus de deux mois que nous sommes