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ou tout se mélange, où il n'y a plus vraiment de notion de matière, juste de l'énergie qui bouge.

- Nous avons un peu ce genre de vision nous aussi, peut-être à un niveau moindre. Nous appelons cela la mécanique quantique, car basé sur des notions de niveau d'énergie et de répartition probabiliste de la matière.

- Peut-être commencez-vous alors déjà à arriver au même niveau que nous. Enfin je te dis ça de mémoire, mais je sais qu'à un certain niveau, il y a une ambivalence entre la matière, l'énergie et la force. Tout ce que tu vois n'est que la représentation sous une forme ou sous une autre de cette même chose. Les forces qui attirent les charges électriques, la gravité, la matière, la lumière, tout n'est issu que de la fluctuation de ce composant de base et nous donne l'illusion d'une forme ou d'une autre. Toutefois, cette propriété, nous l'observons et l'expliquons assez facilement je crois, et les expériences des artificiels ont montré que nous pouvons nous-aussi créer, par influence de ce composant, une forme ou l'autre de ses représentations. La limite sur laquelle nous buttons, c'est qu'il semble qu'il y ait des "types" un peu différents de ce composant, qui ne se mélangent pas, qui "glissent" les un sur les autres et font varier le monde à grande échelle.

- Mais ces types ne sont-ils pas justement ce qui donne ensuite soit des forces soit de la matière ou toute autre chose ?

- Non, non, ces types sont indépendants de leurs représentations dans le monde classique, enfin ils ont un certain degrés d'indépendance. C'est plus comme des variétés d'un même composant qui s'entre-mêlent et interagissent, d'une certaine façon, les uns avec les autres. Le plus étrange c'est que même si l'univers proche semble assez homogène, avec des étoiles et des planètes sur des milliers d'années-lumière à la ronde, et bien les types sous-jacents peuvent être très différents. Par exemple dans notre congrégation existe un type en très grande quantité qui est presque absent des régions périphériques étudiées par les artificiels. Régions périphériques, elles, riches en de multiples types qui sont parfois absents du centre de la Congrégation. Pourtant les étoiles, les planètes et les lois physiques que l'on trouve là-bas ne sont pas très différentes de celle que nous avons ici...

- Peut-être que certains types n'ont pas vraiment de représentation simple. Peut-être que ces régions diffèrent sur certains points que vous n'avez pas encore trouvé ?

- Oui, peut-être. Mais peut-être aussi que cette vision à changé. Je m'y étais surtout intéressée quand j'étais au labo, sur Ève, et depuis je prenais des nouvelles de temps en temps pour savoir si notre connaissance progressait. Je vais voir si des choses nouvelles ont été trouvées.

Elle se dégage un peu, sans doute pour aller chercher son bracelet, je la retiens et la serre contre moi.

- Non, reste là...

Je devine un sourire. Elle me fait un baiser dans le cou.

- Je suis bien avec toi. Je t'aiderai, François, peut-être que je t'ai paru bornée et méchante aujourd'hui, mais j'essaie de te mettre en garde...

- Je sais, je comprends. Je m'excuse de t'avoir causé tous ces embarras. Je suis tellement perdu...

- Cette histoire est sans doute très compliquée, moi aussi je suis frustrée de ne rien pouvoir faire pour t'aider, de paraître plus comme un bourreau qu'autre chose. Je sais que tu tiens à Naoma, même si c'est vrai que j'en suis sans doute un peu jalouse. Je sais aussi que ta planète te manque, ta famille, tes amis... Deborah... À qui tu penses si souvent...

Après tout, tout paraît plus naturel et acceptable quand on ne cache rien, quand on ne refuse pas de voir nos vices et nos défauts, nos faiblesses et nos limites...

- C'est vrai que je ne peux rien te cacher...

- Je ne le prends pas mal, ne t'inquiète pas, l'inaccessible est toujours plus facile à aimer, car jamais il ne nous déçois... Je pense encore à Ragal, tu sais, encore... Trop souvent...