atroce, dévorée vivante par les reptiles, leur torture favorite, mais je resterai dans les mémoires, aux côtés de Guerroïk, comme la libératrice de notre peuple.
Mais la partie n'était pas terminée, elle ne faisait même que commencer. Et autant les hommes avaient un atout de leur côté, autant les reptiles étaient beaucoup plus nombreux, beaucoup plus forts, et habitués à les mater et à se battre. Mais cette fois-ci les hommes ne pouvaient pas abandonner, et même s'ils ne pourraient être sûr que la descendance des reptiles fut bien stérile que bien des années plus tard, et même si les forces vives de ceux-ci étaient encore bien sur pattes, bien que durement affectée par leur dépendance au porc, cet événement leur donna le courage et l'espoir ne serait-ce que de tenir le siège. Nous savions que c'était alors ou jamais, et que nous n'aurions plus une telle opportunité, que nous serions massacrés sans pitié, ou que nous trouverions enfin une liberté que nous n'avions jamais eue.
Très vite les deux communautés, auparavant intimement mêlées aux seins de leurs villes et de leurs villages, se séparèrent à grand fracas et de multiples villages, devenus forteresses humaines, furent mis en place pour résister à la fureur dévastatrice des reptiliens.
Mais ceux-ci, en plus des deux fléaux, connaissaient un mal bien plus grand, ils étaient fortement affectés d'une dépendance bien pire, la dépendance envers les hommes ; ceux-ci rebellés, tout leur tissu économique, leur science, leur intelligence presque, disparurent. Les hommes, eux, mettaient à profit tout appareil de production capturé, et rapidement améliorèrent la technique des armes, pour créer le pistolet, la mitraillette, les bombes et même les armes chimiques, car les reptiles étaient sensibles à de nombreuses maladies que nous ne craignions pas.
Une un an et demi après le MoyotoKomo (une année d'Adama), les reptiliens comme les hommes avaient des pertes égales, cinquante millions de morts dans chaque camps, mais les reptiliens étaient plus de deux milliards et les hommes seulement trois cent millions. Les hommes entreprirent une politique nataliste très forte, et les soldats se relayaient au front pour pouvoir rentrer dans leur famille et procréer, car si les reptiliens auraient peut-être une descendance stérile, eux-mêmes ne l'étaient pas, et continuaient à avoir des
enfants. D'autant qu'à dix ans un reptile était tout à fait apte à se battre, alors que le combat était difficile avant quinze voire vingt ans pour un homme.
Les années qui suivirent, les reptiliens, petit à petit, confinaient les hommes dans des zones plus petites. Ces derniers avaient mis en place des forteresses très résistantes mais avaient beaucoup de mal à en sortir pour gagner du terrain. Les reptiliens étaient devenus plus organisés, et la plupart ne ressentaient plus depuis longtemps les effets de leur dépendance à la viande de porc, d'autant qu'ils avaient dorénavant pris eux-même la gestion de nouvelles porcheries. Ils avaient toutefois une confirmation, c'est qu'une grande partie de leur procréation était bien stérile. Toutefois si la majorité ne pouvait se reproduire, quelques exceptions subsistaient, leur laissant espoir qu'ils pourraient encore renverser la balance.
Les hommes savaient que leur atout n'étaient pas leur force ou leur nombre, mais leur intelligence, c'est pour cette raison qu'ils perdirent beaucoup d'énergie dans les premières années de lutte à construire de puissantes places fortes à l'abri des assauts reptiliens, profitant de coins reculés dans les montagnes, difficilement accessible aux immenses reptiles, maladroits dans les lieux escarpés, et dont l'organisme s'adaptait mal à l'altitude. L'immense plateau culminant à plus de quatre mille cinq cent mètres au dessus du niveau de la mer, que nous voyons ici sur la chaîne du Gourhave, constitua pendant longtemps la plus grande source de culture et d'approvisionnement de l'immense communauté humaine regroupée dans ces montagnes. D'autre part les reptiliens n'avaient pas évolué depuis le début du conflit, et n'avaient guère plus que des fusils sommaires comme armes.
Huit ans après le début du conflit (cinq années d'Adama), les reptiliens étaient toujours aussi nombreux, près de deux milliards, les hommes, eux, n'étaient plus que deux cent trente millions, regroupées dans environ trois cent villes fortifiées. Mais ils possédaient désormais des armes à feu bien supérieures et plus efficaces à celles des reptiliens, et leur problématique n'étaient plus de comment conserver leur places fortes, mais comment les étendre. S'ils voulaient s'accroître, il leur fallait plus de cultures, plus d'espace, plus de ressources premières.