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explique aussi que je pourrai me débrouiller tout seul pour aller en ville. Mais il est vrai, comme il me le fait remarquer, qu'il n'a pas grand-chose à faire et a tout le temps de s'ennuyer.

Il me propose une chambre d'ami pour faire ma sieste. Il habite dans une maison modeste mais qui contient tout de même plusieurs chambres. Il m'indique la salle de bain pour prendre une douche et de quoi désinfecter mes plaies. Il est vrai que je dois empester sans même m'en rendre compte. Depuis le temps que je n'ai pas pris de douche, j'en ai même perdu l'habitude. Je nettoie avec attention mes blessures par balle de la jambe gauche, ainsi que les ravages faits par la fille en retirant l'émetteur. Les émetteurs devrais-je dire, il y a bien une dizaine de marques tout autour de la jambe aux endroits où quelque chose est sorti de l'intérieur. Une fois propre et soigné, recouvert de pansements et de bandages, je m'endors profondément une bonne partie de l'après-midi. Je me réveille quand même plusieurs fois pour boire de grands verres d'eau. Je ne reprends vraiment mes esprits et me lève qu'alors que 7 heures de l'après-midi sont indiquées par le réveil. Il fait encore bien jour. Je vais rejoindre Patrick qui regarde la télévision dans le salon. Il fait sombre, les volets sont presque tous fermés pour ne pas laisser rentrer la chaleur. La maison n'est pas climatisée. Il me propose quelques biscuits avec une boisson chaude ; j'accepte avec plaisir. J'ai de la peine de ne pas lui avoir dit la vérité, il est tellement gentil. Je pense que je pourrais lui raconter ma véritable histoire.

- Vous savez Patrick, je ne vous ai pas tout dit sur mon histoire.

- Oui je sais François, ou du moins je m'en doute. Vous savez l'Australie est un refuge pour beaucoup de personnes qui fuient leur passé. Et ce n'est pas un hasard si un quart des habitants ne sont pas nés ici. Je ne suis pas né ici, François. Mais vous n'êtes pas obligé de me raconter. C'est la règle ici, nous avons tous pu faire des bêtises, mais nous ne parlons pas du passé.

- Je comprends, mais je n'ai pas vraiment de choses à me reprocher ; seulement mon histoire est tellement invraisemblable que j'avais peur que vous n'appeliez la police en me prenant pour un criminel.

Après David, Deborah, et mes amis de Sydney, Patrick va être la septième personne à qui je raconte mon histoire. Par rapport à Fabienne et les autres, je rajoute l'enlèvement au consulat, le fourgon, les cadavres calcinés, la course dans le bois, puis les longues journées de marche jusqu'à ce qu'il me trouve. Il m'a écouté silencieusement. Je ne sais trop s'il m'a cru ou pas. Nous restons silencieux un petit instant, puis il laisse échapper une exclamation.

- C'est incroyable. Votre histoire est incroyable. Extraordinaire même. Et j'ai peine à vous croire... Mais qu'allez-vous faire désormais ?

- J'avoue que je n'y ai pas encore réfléchi. Si je continue sur ce que j'avais prévu, le plus logique serait de retourner au consulat à Sydney pour me faire rapatrier. Cependant maintenant que cette fille m'a appris que j'avais un émetteur et me l'a retiré, ce ne serait pas très malin de se jeter dans la gueule du loup de nouveau. Pour cette raison je me dis alors qu'il serait plus sage de tenter d'aller à un consulat ou une ambassade dans une autre ville.

- Vous vouliez vraiment aller à Canberra, alors ? Et cette fille, vous croyez qu'elle nous observe en ce moment ?

- Je l'ignore, mais elle m'a déjà tiré trois ou quatre fois d'affaire sans que je sache pourquoi, alors je ne doute plus de rien. Et oui je pense que Canberra pourrait être une bonne solution, qu'en pensez-vous ?

- Eh bien, j'ai peur que d'aller dans un consulat ne leur permette de nouveau de retomber sur vos traces. En imaginant qu'ils ont des contacts un peu partout ou même juste accès à certains fichiers qui leur donnent des informations sur tout ce qui se passe, ils sauront vite que vous allez prendre un avion pour la France. Le plus sage dans votre cas serait de rester ici vous faire oublier quelque temps, ou de rentrer sous une fausse identité.

- Oui, c'est vrai, il serait le plus intelligent de rester ici une ou deux semaines, et de prendre l'avion avec de faux papiers, mais malheureusement je peux difficilement me le permettre. Déjà, parce que je n'ai absolument aucune idée de comment faire faire de faux papiers,