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virevoltant, des carcasses de vaisseaux encore rougeoyantes. Mais le plus extraordinaire est juste devant nous. Le géant bleu, sans doute le même qui m'avait tué sur la lune, dont je n'ai pas de souvenir, c'est Naoma qui m'avait raconté, ce géant bleu est devant nous, à cent ou peut-être deux cent mètres, flottant dans l'espace. Il se rapproche lentement, et je l'entends dans mon esprit, il me parle en Français :

- Bonjour, Ylraw. Vous avez la peau dure, décidément.

- Salut, pas trop frais là dehors ?

- Me feriez-vous l'honneur de m'y rejoindre ?

- Hum, j'ai peur de manquer de souffle.

- J'insiste, vous êtes de trop, de toute façon.

Je ne pourrai rien dire de plus, un étau se resserrant sur mon esprit. Je ne sais pas si c'est mon cri ou ceux de Sarah et d'Énavila que j'entends. Le géant bleu approche, martelant toujours mon esprit, me disant que vais mourir de nouveau. Le pare-brise se fend. Il n'est dorénavant plus qu'à quelques dizaines de mètres, immense, beaucoup plus grand que ne semblait l'avoir décrit Erik, rayonnant de son aura bleue.

J'ai envie de vomir, ma tête va exploser, ma vision se trouble, j'ai le souffle coupé. Il tend la main vers nous, comme s'il pouvait broyer le vaisseau à distance. La situation devient insupportable, l'air commence à s'échapper du cockpit. Sarah semble avoir perdu connaissance. Tout me paraît perdu, j'ai la tête qui tourne, une douleur encore pire que celle qui m'avait broyé l'esprit à Sydney. Énavila tente de résister, j'entends son cri de rage. Ah Vie ! Dois-je encore te quitter, dois-je partir si près du but ? Ah, Vie ! Mais ils me réveilleront ? Je l'espère, il me réveilleront...

Le géant bleu n'est plus qu'à quelques mètres de nous, son visage sans trait, sans expression, toujours la main en avant vrillant légèrement à mesure que le cockpit grince et se tord. Je ne vois plus qu'un flou double ou triple, ma conscience s'estompe. Je crois que je ne crie plus, ou alors je ne m'entends plus.

Mais soudain l'emprise s'atténue, mes sens se font plus présents, j'entends un cri de rage d'Énavila, elle est repliée sur elle même, les deux bras en avant. En quelques dixièmes de seconde, tout bascule, une lumière aveuglante m'éblouit, malgré mes yeux fermés. Un sifflement assourdissant, un bruit de tôle froissée, ainsi qu'un bruit d'explosion extraordinaire me martèlent les oreilles, le choc est terrible et je perds connaissance.