carcan de préjugés racistes et primaires était vaine, et qu'il lui valait mieux la quitter au plus vite avant d'y perdre son énergie et son humanité. Depuis elle n'achetait plus aucun produit de luxe, de peur qu'une telle mentalité puisse être cautionnée en exibant un sac ou un tailleur, aussi jolis fussent-ils.
Finalement, malgré la pression de ses parents, son père qui avait mis beaucoup d'espoir en elle après ses brillantes études, elle vivait désormais plus que modestement des petits ouvrages qu'elle avait publiés. Et elle était beaucoup plus heureuse ainsi, plus seule aussi. Une vie plus simple, à l'écart de la jungle du capitalisme forcené et souvent inhumain qui découlait de l'inadéquation entre la société de consommation à outrance et la nature humaine. Société qui poussait les gens à une incessante insatisfaction pour qu'ils voulussent toujours plus, qu'il ne fussent jamais rassasiés, alors qu'il était si agréable et réconfortant de se satisfaire d'une vie simple, d'une vie avec peu mais qui permet de faire tant, alors que toutes ses camarades de promotion changeaient de copains tous les six mois quand ils en avaient marre de voir leur copine rentrer tous les soir à 21 heures. Elle n'avait pas de copain pour l'instant, enfin pas vraiment, mais ne s'était jamais senti une âme très fidèle. Et puis son père ne lui avait pas vraiment donné l'exemple avec ses quatre femmes dont la dernière avait cinq ans à peine de plus que Carole. Sa mère était toujours en Espagne, mais elle ne la voyait pas beaucoup. Autant c'était à son père qu'elle en voulait le plus, autant elle se sentait tout de même beaucoup plus proche de lui.
Et que faisait-elle alors, ce soir, sur la Côte d'Azur, renouant avec le luxe dans ce somptueux hôtel, mettant à mal ses résolutions ? Que faisait-elle avec ce policier qui n'en avait pas vraiment la trempe, dans une histoire qui ne la regardait pas ? Peut-être s'ennuyait-elle, peut-être qu'elle avait sauté un peu vite sur ce qu'elle pensait être une opportunité unique ? Au début l'histoire de Thomas et de Seth l'avait intriguée, la jugeant intéressante pour le scénario d'un bouquin. Maintenant c'était plus que juste une idée de scénario. Elle sentait bien que Thomas avait besoin d'être poussé pour avancer, et elle voulait savoir, elle voulait comprendre qu'est-ce que voulait cette fille à Ylraw. Ylraw, elle avait lu les quelques feuillets de son histoire déjà quatre ou cinq fois, comprenant trop bien le malaise qu'il vivait et pourtant si suspicieuse à l'égard de
cette affaire de bracelet. Il paraissait triste dans cette histoire, il paraissait si proche d'elle, si proche de ses idées. Pourtant sur les photos qu'elle avait trouvées de lui, il semblait entouré d'amis et heureux. Elle l'avait vu avec cette fille, sans doute sa petite-amie. Ce devait être cette Virginie dont il parlait brièvement. Qu'a-t-il fait à l'Île de Ré, que lui a dit Seth ? Il est mort en Australie et le voilà de retour, neuf mois plus tard. Carole voulait comprendre, et plus encore, elle voulait le connaître et LE comprendre. Oui, elle s'ennuyait, elle voulait une vie d'aventures, elle voulait mourir jeune dans une poursuite infernale avec des bandits surarmés aux trousses.
Elle était presque amoureuse d'Ylraw... Elle avait toujours était amoureuse de rêves et jamais de réalités.
Quand elle sortit de ses réflexions Thomas dormait tranquillement sur sa chaise, la tête un peu penchée, produisant un léger sifflement. Carole sourit en le regardant puis en profita pour aller demander à un personnel de l'hôtel s'ils avaient bien prévu deux chambres. Celui-ci fut fier d'annoncer qu'une suite avait été réservée, et qu'elle comportait, s'ils le désiraient, deux chambres séparées. Elle fut un peu déçue, et aurait préféré pouvoir bénéficier d'une petite chambre vraiment séparée, pour rester un peu seule. Elle revint ensuite doucement vers la terrasse, où étrangement presqu'aucun autre client de l'hôtel ne se trouvait, à part un vieux monsieur lisant difficilement un roman aux faibles lumières émanant de l'hôtel. Elle eut envie de discuter avec lui mais se retint, elle était fatiguée, bien qu'il ne fut qu'une heure trente du matin, encore tôt pour elle, mais elle avait bu et bien mangé. Elle réveilla Thomas délicatement pour lui dire qu'elle allait se coucher. Il se leva en s'étirant et baillant, demandant depuis combien de temps il dormait, sans doute pas plus d'une vingtaine de minutes.
Un jeune du personnel de l'hôtel, qui n'avait pas l'air des plus réveillé, sembla satisfait de les conduire à leur suite, cette dernière course signifiant sans doute pour lui la bienheureuse délivrance et la possibilité d'aller dormir. Carole eut de la peine à s'imaginer le nombre d'heures que devait faire ces employés.
La suite était somptueuse, composée d'une grande pièce donnant