page 68 le patriarche 69

Mais une fois debout en marchant la douleur est autrement plus forte. Elle ne m'arrête pas pour autant, et je trottine difficilement jusqu'au sommet de la colline. Je descends un peu sur l'autre flanc, mais je ne la vois nulle part. Il fait presque nuit noire dans les sous-bois, impossible de distinguer quoi que ce soit. J'avance encore un peu en scrutant de part et d'autre, mais impossible de déterminer par où elle est passée. D'autre part je ne suis pas très rassuré dans le noir. Je retourne alors doucement en arrière. C'est tout de suite beaucoup moins facile quand l'adrénaline ne vous réchauffe plus. En me rapprochant je fais tout de même attention, de peur que mes deux poursuivants ne soient qu'endormis, ou assomés. J'observe discrètement, mais ils sont toujours étendus au même endroit. Je m'approche, récupère leurs armes dans un premier temps, puis vérifie s'ils sont toujours en vie. Aucun d'eux n'a de poul, ils sont morts... Je reste quelques instants debout, dubitatif... Finalement je me décide à les fouiller, un peu à contre-coeur. Je trouve leurs papiers et leurs portefeuilles. Pas grand-chose de très intéressant, "William Robinson" et "Martin Glen", respectivement 28 et 34 ans, australiens semblerait-il ; quelques cartes de crédit ; un téléphone mobile auquel je ne touche pas. Je réalise alors que je ferais mieux de ne pas traîner près d'eux, car si on me trouve ici je serais facilement accusé. Je récupère leurs cartes d'identité et l'argent qui se trouvait à l'intérieur de leurs portefeuilles. Je nettoie tout ce que j'ai touché, et que je n'emporte pas, pour enlever d'éventuelles traces de doigts, et je remets tout en place. En m'éloignant je compte mon maigre butin, environ deux cents dollars australiens. Je ne sais pas combien cette somme représente, mais j'ai peur qu'elle ne me mêne pas bien loin. Enfin ! Toujours est-il qu'elle devrait au moins me permettre de m'acheter à manger et peut-être de nouveaux habits. Je suis conscient et gêné que cela fait un peu charognard que de dépouiller ses victimes, quoique ce ne sont pas réellement mes victimes. Mais dans la situation présente, je n'ai guère de remords à enfreindre une éthique implacable, et surtout guère le choix, malheureusement. Je pourrais aussi récupérer de quoi m'habiller, mais je ne me sens pas de leur prendre leurs vêtements, j'aimerais ne jamais avoir pris ce camion, ne jamais avoir été dans ce bois, ne jamais avoir vu ces deux hommes morts... J'ai vu beaucoup trop de morts depuis deux semaines, beaucoup trop...