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Sarah maîtrisait désormais sept langues, et elle aimait converser avec ses animaux de compagnie de chose et d'autre. Elle leur posait des tas de questions, dont elle se satisfaisait ou pas de la réponse. Elle tentait aussi parfois de faire parler certain dans une autre langue que la leur, pour les faire parler entre eux. Elle était désespérée qu'ils ne parlassent pas entre eux. Impossible de les faire jouer ensemble, ou de leur expliquer à tous la même chose en une seule fois, elle devait systématiquement traduire dans toutes ces langues, c'était très fastidieux. Elle savait maintenant courir, sauter, tenir sur un pied, elle aimerait aussi croiser d'autres enfants. Sa mère lui disait souvent qu'il y avait plein d'autres enfants identiques à elle, mais elle ne savait pas où, elle n'avait jamais vu que ses compagnons animaux, sa maman, et son papa. Mais son papa n'était plus là. Elle l'avait cherché, pourtant, cherché et cherché encore, mais elle ne l'avait jamais retrouvé.

Mélinawahasa regardait avec le sourire sa fille en train d'expliquer les règles du jeu à ses artificiels. Certains comprenaient, d'autres pas et faisaient n'importe quoi. Sarah s'énervait alors, tentait de réexpliquer. Parfois à bout de nerf elle excluait carrément un de ses animaux du jeu, mais retournait bien vite après le chercher dans son coin, pour se faire pardonner. Mélinawahasa était très contente de tout ses artificiels, ils avaient un comportement très proche de Sarah, très proche d'enfants en bas âge, et Mélinawahasa regrettait moins que sa fille ne fût seule, elle s'était inquiétée, au début, que son isolement ne la rende un peu trop associale et solitaire, mais elle avait au contraire aiguisé grâce à ses artificiels un sens du partage et de la négociation tout à fait convenable.

Mélinawahasa savait aussi que les enfants, malheureusement, ne courraient pas les rues, et encore moins sur Fra, et qu'il lui faudrait parcourir des quadri pierres et des quadri pierres pour

pouvoir en rencontrer. Ce problème était d'ailleurs inhérent à l'humanité toute entière, et même plus problématique encore dans la Congrégation, ou le nombre d'enfant était encore moindre. Mais les gens étaient presqu'éternels, alors...

Mélinawahasa était très satisfaite de sa fille, elle était à la fois curieuse, trop même, dynamique, discrète. Un peu trop discrète même parfois, elle s'accommodait de ses amis et n'en voulait pas plus. Mélinawahasa, presque, aurait voulu un nouvel enfant, un petit frère pour sa Sarah. Elle savait qu'il était encore un peu tôt, mais son isolement, sa solitude, et Teegoosh qui ne revenait pas l'avait rendu mélancolique. Un an qu'il n'était pas revenu, certes, son retour avec toutes ses nouvelles idées, dont ils avaient parlé et reparlé pendant les cinq sixièmes qu'ils avaient passés ensemble, lui avait permis de rapidement créer un courant de pensée sur Ève, où il avait mettait en avant son nouveau point de vue sur la répartition des pouvoirs et l'intérêt de la participation civique par le travail obligatoire. Il avait même eut son premier écho sur Adama. Mélinawahasa était fière d'avoir aidé Teegoosh à se forger une ligne de conduite. Elle ne retirait aucune jalousie de rester dans l'inconnu alors que son homme, son homme oui, était reconnu pour ces idées nouvelles. Pourtant elle aimerait, tout de même, qu'il vînt de temps à autre la remercier, voir sa fille, l'aider, l'aimer. Certes maintes fois ils conversait au téléphone, et il passait parfois plusieurs trente-sixièmes en virtuel pour se retrouver, mais il n'était pas physiquement là, et si les sensations le lui rappelait, si son corps se souvenait de lui, elle savait que ce n'était qu'illusion, et qu'il n'avait pas fait l'effort de venir, pas prit le temps de perdre un petit-sixième pour passer quelques jours avec elle. La téléportation de Teegoosh était un peu plus longue sur Fra, car son initial se trouvait là, sans quoi il n'aurait pu avoir d'enfant. Teegoosh avait fait ce sacrifice, il avait fait transporter son initial sur Fra, il y a dix ans, alors qu'ils ne sortaient pas encore ensemble. Mais Teegoosh savait alors déjà qu'il voulait d'elle. Le voyage avait durée 15 ans (dix années d'Adama), d'Ève, pour que l'initial arrive sur Fra. Les deux systèmes étaient assez proche, ce fut une chance, chance aussi qu'il fallu à Teegoosh exactement dix ans pour qu'il parvienne, enfin, à séduire Mélinawahasa. Quand elle repensait à ce voyage, elle se disait qu'elle n'aurait jamais, elle, prit un tel risque, prit ce risque pour l'homme qu'elle aimait, de