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Énavila, dormez si vous voulez, mais filez-moi au moins une barre ! Combien est-ce que vous en avez ?"

"Deux chacun, je lui réponds, nous en avons perdu deux."

"Les deux miennes, mais j'aurais eu du mal à les récupérer."

Je jette un oeil par la grille pour tenter de voir si le gardien ne regarde pas vers nous, mais la voix semble libre, je récupère une des barres que j'avais entourée autour de ma taille et la fait passer à Énavila. Les cachots ne sont pas très éloignés les uns des autres, et je peux presque attraper la main d'Énavila en lui passant la barre. À ma surprise, elle se laisse effleurer la main avant de la retirer. J'aurais aimer la prendre dans mes bras, ne serait-ce que pour avoir un contact humain, tenir quelqu'un dans mes bras...

Je laisse Énavila tenter diverses expériences avec sa barre, et j'essaie, comme elle le faisait contre la paroi, de me reposer un peu, même si je ne suis pas exténué, mais nous avons ramer pendant des heures sur le lac, et n'avons guère dormi depuis notre décision de nous rendre au village. Malheureusement je n'ai pas de combinaison du même type que celle d'Énavila, et je me rends vite à l'évidence qu'il me sera impossible de dormir contre la paroi. Je tente alors de trouver un coin au sol un peu surélevé ou je ne trempe pas dans l'eau. Mais l'humidité et le froid me rende le sommeil difficile. Je suis d'autant plus énervé qu'Énavila tape doucement quasiment sans interruption. Je finis par me couper les conduits auditifs avec mon bracelet, le chargeant de me réveiller en cas de bruit suspect.

Je n'aime pas trop utiliser ses astuces pour bien dormir, pas tellement qu'elles sont mauvaises, pas autant en tout cas que les somnifères, mais j'ai toujours la crainte de prendre le risque de rendre mon sommeil plus difficile si je perdais mon bracelet. La dépendance à ce truc m'inquiète parfois, tout à la fois j'aimerais ne pas en avoir besoin, ou l'avoir en moi et être sûr de ne pouvoir le perdre. D'un autre côté, le bracelet se resserre quand on l'enfile, et il faudrait sans doute me couper le bras pour le retirer sans mon accord.

C'est la faim qui me réveille. Contrairement à Sarah et Énavila,

je ne peux pas filtrer l'eau qui coule, et mon bracelet m'indique tout de même que l'eau est riche en sulfate et qu'une consommation excessive ne serait pas recommandée. Sarah en filtre alors pour moi et me la fait passer discrètement dans une barre en forme de récipient. J'abuse de sa bonne volonté pour boire plus qu'il ne faut.

Nous n'avons pour toilettes qu'une rigole qui récupère les eaux ruisselantes et qui enlève difficilement nos excréments. Je suis obligé de les pousser un peu pour ne pas avoir à subir les odeurs résiduelles. Mais depuis notre arrivée nous n'avons guère eu de confort, et j'utilise le moins possible la combinaison pour conserver ses capacités de protection. Heureusement celle-ci inclus un petit générateur récupérant l'énergie de mes mouvements ; il a pour l'instant tenu le choc, malgré toutes les déchirures affligée par les grillés, et surtout le dragon qui a arraché la manche droite, et sérieusement troué le côté gauche.

Jour 400

Quasiment une journée entière passe sans que nous n'aillons la moindre visite. Je me repose comme je le peux, tente de faire un peu d'exercice pour me dégourdir les jambes, principalement sautiller sur place ou faire des pompes et des abdos. Énavila se moque de moi, disant que si elle n'avait pas son bras et sa jambe cassés, elle me battrait à plates coutures. Je veux bien la croire, surtout que ce corps n'est pas mon initial, quoiqu'il soit quand même pas mal en forme, surtout après nos trois semaines passées ici. Trois semaines déjà ! Bordel ! J'en ai plein le cul du temps qui passe ! Si seulement on pouvait s'arrêter deux secondes pour souffler un peu...

Ils nous jettent de la nourriture, avec des seaux ; leurs restes, semble-t-il, des tripes, des os à moitié rongés, accompagnés d'une bouillie empestant. Nous en avons chacun un seau entier, mais ce sera sans doute la seule nourriture jusqu'au prochain lever de soleil, soit neuf jours.

- Les salauds, ils pourraient nous filer une gamelle ! La prochaine fois qu'il passe j'embroche ce salopard !

L'envolée d'Énavila attire le garde qui vient la réprimander. Il utilise sa lance à travers la grille pour la piquer. Ce qui n'est pas