Sarah adorait marcher. Elle marchait tant qu'elle s'en sentait la force, demandant même parfois à un de ces cinq artificiels jouets de l'aider à marcher voire de la porter. Elle préférait toutefois son ours et son reptile, qui la suivait depuis qu'elle avait trois sixièmes. De plus elle parlait désormais parfaitement leur langue, tout comme elle parlait très bien la langue de son papa et de sa maman. Mais elle avait encore du mal avec les trois nouvelles langues de son nouveau petit cochon, petit tigre et petit singe. Sarah avait le droit désormais, à condition que ces amis l'accompagnassent, d'aller dans presque tous les couloirs de la grande demeure de sa maman, sauf ceux qui allait vers le haut, car en haut il y avait le froid, et Sarah n'aimait pas le froid. Les escaliers étaient toutefois encore très éprouvant pour elle, et si elle aimait bien monter un peu au niveau en dessus pour pouvoir faire des roulades sur le parterre moelleux, elle n'aimait pas descendre, et depuis quelques temps sa maman refuser de venir la chercher, alors qu'avant elle pouvait toujours compter sur elle pour la porter.
Mais aujourd'hui Sarah voulait faire plaisir à sa maman. Sa maman était triste depuis quelques jours, Sarah le sentait, et elle était plus attentionnée, elle ne la défiait pas incessamment, et rester proche d'elle pour lui faire des câlin, ou confectionnait avec fierté des petits dessins en trois dimensions avec son ardoise magique.
Mélinawahasa accueillit avec le sourire le dessin de sa fille, même si elle voyait mal ce que ces carrés de couleurs représentait vraiment. Elle l'enregistra tout de même, comme tous les autres, pour que Sarah, une fois grande pût regarder avec nostalgie ses premières oeuvres. Mélinawahasa prit Sarah dans ses bras et lui parla doucement. Teegoosh était parti, finalement. Finalement après cinq sixièmes passés à ses côtés il était reparti. Elle avait espéré qu'il resterait plus, elle s'était habituée à sa présence. Peut-être ne lui
avait-elle pas assez dit ? Peut-être avait-elle été trop fière pour lui avouer qu'elle voulait qu'il restât, qu'elle le voulait près d'elle.
Mélinawahasa reposa Sarah et eut envie d'aller marcher dans le froid. Elle était triste et elle aimait marcher dehors dans ces cas là, pour reprendre contact avec la vie, avec la nature, et se rendre compte, que oui, depuis le début, elle savait qu'elle serait très seule avec Teegoosh, pas comme avec Marquote, Marquote n'était pas plus attentionné ou affectueux que Teegoosh, mais il était moins ambitieux. Elle savait que Teegoosh lui en aurait voulu à un moment ou à un autre si elle l'avait retenu, trop retenu. Pourtant, elle le regrettait, un sixième de plus, lui en aurait-il vraiment tenu rigueur ? Sans doute pas, mais il fallait qu'il partît, c'était inévitable, alors autant le faire intelligemment, le faire partir plus tôt lui donnera sans doute l'opportunité de revenir plus vite.
Elle ne se consola qu'à moitié avec cette idée, Mélinawahasa avait appris à connaître Teegoosh, elle connaissait les hommes et leur ambitions. Longtemps elle avait cru Teegoosh un simple prétendant sans classe ni stature, puis elle l'avait cru un de ses multiples politiciens nourri par la seule ambition, puis elle avait vu l'homme, caché sous toutes ces facettes, et nourrit d'espoir de le voir surgir. Elle trouvait, en un sens, qu'il avait changé, ne serait-ce que depuis le moment où il était arrivé sur Fra il y a cinq sixièmes. Il avait, elle le souhaitait de tout son coeur, compris l'utilité du pouvoir, de l'ambition, mais surtout des valeurs auxquelles on se rattachait et de l'intégrité.
Mélinawahasa savait que Teegoosh était encore jeune, encore soumis à la pression énorme sur Ève, à la pression de la réussite, à la pression du pouvoir. Pourtant elle savait aussi que cette pression était la clé pour faire sublimer son homme, mais aussi facilement en bien qu'en mal, et qu'il lui fallait être attentive pour qu'il restât dans le droit chemin. Parfois elle se sentait si faible dans ses bras, devant toute son énergie, parfois elle se sentait si frustrée par son inexpérience, par sa prétention à tout comprendre, tout connaître. Que connaissait-il !
Sarah manifesta son envie de bouger, elle n'avait pas trop envie