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mon sac. Il me reste deux mille huit cent dollars. Je souffle cinq minutes dans la voiture, pour décompresser. Il fait encore bien jour, tout a l'air si calme, ici, j'aurais presque tendance à ne plus penser à ce qu'il m'arrive, à ne plus y croire... Les choses se tassant un peu, étant un peu plus au calme et moins stressé, la pensée du bracelet me revient. Je reprends ma pierre dans la main et reste cinq minutes de plus, tentant de mettre un peu d'ordre dans mes idées. Satané bracelet, est-ce que je t'oublierai vraiment un jour ?

Je sors finalement de la Viper et me dirige vers le restaurant, je paye le plein, dix-huit gallons, aucune idée de la quantité de litres correspondante, il faudra vraiment un jour faire le ménage dans ce pays, entre les miles, les gallons et autres oz ! Je commande un hamburger et m'assois à une table. Cinq minutes plus tard, un homme qui a dû me voir arriver vient déjà m'embêter.

- C'est une jolie voiture que vous avez là. Elle doit être puissante.

"Trop puissante pour toi, connard" me dis-je. Mais je me reprends, restons courtois.

- Oui elle est très puissante, mais comme il n'y a aucune aide à la conduite, il faut plusieurs semaines d'entraînement sur circuit avant d'arriver à la piloter.

Voilà qui te sortira l'idée de la tête que je puisse te la prêter ! Le gars s'en va, tristounet, sentant bien à mon ton que je n'ai pas spécialement envie de lui causer. Je mange mon hamburger en regardant s'il n'y a pas une boutique qui vendrait des cartes du coin, mais rien de ce genre. Je me rabats alors sur la télévision, me remémorant les bars de New-York lorsque je m'y trouvais pour les différents salons Linux-Expo. Qu'est ce que je vais faire, maintenant qu'il m'est arrivé toutes ces histoires ? Aurai-je encore la joie de me retrouver à mon travail, continuer à faire mes petits paquets de programmes mandrakelinux et travailler comme si de rien n'était ?... Mon attention revient au poste quand commence le journal télévisé ; il est possible qu'ils parle du meurtre de David, et de moi et ma Viper par la même occasion. Il y a effectivement un reportage sur l'assassinat de David dans le parc, mais aucune mention de ma fuite. Étrange, j'ai l'impression qu'ils ne veulent pas faire de

vagues, tant mieux ; d'autant plus que j'ai toujours les cahiers avec moi. Surpris je constate qu'ils parlent de Samuel aussi ! Il a été retrouvé mort à quelques kilomètres du parc, voilà pourquoi l'homme du Pentagone avait sa Viper ! Je ne manque pas de les traiter, intérieurement, de tous les noms quand le représentant de la police interviewé explique que c'est de toute évidence la même personne qui a tué les deux ! Ils cherchent donc bien à cacher les choses ! Il y a plus qu'anguille sous roche à ce niveau là, baleine sous grain de sable, comme dirait Pixel. Sur ce, je me dis qu'il ne vaut mieux pas que je traîne ici. Je pourrais laisser la Viper et prendre un autre modèle, je pense qu'un bon paquet ne rechignerait pas à faire l'échange. Mais oh faiblesse de l'homme ! Je me dis que je n'aurai certainement jamais plus l'occasion de conduire une voiture de ce type. Conforté par ma certitude qu'ils ne veulent pas ébruiter l'affaire, je repars avec...

Je roule de nouveau depuis une heure, me réprimandant d'être toujours au volant de ce point rouge sur la carte des États-Unis. Je sens bien que j'aurais dû laisser la Viper et prendre une voiture un peu plus discrète... Et je m'entends encore raconter à David que j'essayais de ne pas être trop matérialiste ! Quelle larve je fais ! Pour me rassurer je me dis tout de même que le fait de proposer ce genre d'échange m'aurait sans doute aussi fait passablement remarquer.

Je passe Columbia, et continue ma route ; je m'arrête finalement dans un petit hôtel sur le bas-côté, un peu avant Atlanta. Le lendemain, vendredi 8 novembre, je repars tôt et je continue mon chemin ; je roule pratiquement toute la journée, aucun souci particulier, tout se passe bien. Rien ne m'incite à changer mes plans, à savoir d'aller vers le Texas pour tenter de passer au Mexique. Birmingham, Meridian, Jackson, Vicksburg où je m'arrête un peu après la ville. Huit cent miles dans la journée, près de mille trois cent kilomètres, je suis lessivé. Même histoire que le jour précédent, dodo dans un hôtel en dehors de la ville, et sur la route de bonne heure le lendemain matin. Samedi 9 novembre, Monroe, Shreveport, Marshall, et arrêt le soir près de Longview. Dimanche 10 novembre, direction Austin. Toutes ses villes inconnues défilent, j'avance dans une réalité que j'ai toujours du mal à accepter, rêvant presque qu'au prochain réveil je serai au 9 rue Crillon, tourmenté par le bracelet... Longues lignes droites dans le quasi-désert texan,