page 458 le patriarche 459











La famille proche de maman était sur Ève, et on allait souvent la voir. J'aimais bien aller là-bas ; il y avait un centre de pilotage à côté, et j'y avais beaucoup de mes amis, plus que là où nous habitions, et puis ces escapades me permettaient de m'évader quand mes camarades d'école, mes parents, ou tous ces gens que je rencontrais le reste du temps m'embêtaient. C'est d'ailleurs là-bas que j'ai eu mon premier copain. Il pilotait lui aussi, il avait quatre ans de plus que moi. Il était assez doué, et nous nous tirions souvent la bourre. Je ne sais pas si j'étais amoureuse de lui, je ne crois pas, c'est peut-être plus que j'avais seize ans, les hormones faisaient leur chemin, et il était plutôt pas mal. Il était très timide, et franchement il me faisait fondre quand on le taquinait avec mes autres copines. Je le trouvais beau. Pourtant moi aussi j'étais plus que timide, pourtant j'étais toujours la première à faire des bétises. Mais même s'il avait quatre ans de plus que moi, il a fallu que ce soit moi qui lui saute dessus, en le coinçant en m'immisçant à son insu dans une bulle de relaxation après un vol. Enfin, je ne crois pas que je l'aurais fait si deux de mes copines ne m'avaient pas poussée et soutenue pour me lancer. Je me suis sentie tellement bête quand il m'a retrouvé, toute nue, face à lui. Heureusement il a vite compris, sinon je crois que je serais morte de honte. La première fois que je fis l'amour ce fut donc coincée contre des bulles masseuses. Et finalement ce n'était pas si mal parce que comme beaucoup de filles je n'ai pas eu de réel orgasme avant quelques années de pratique ; alors quitte à ne pas avoir de plaisir, autant avoir un bon massage en compensation. Et puis dès le départ je savais que cette aventure n'irait nulle part, je n'avais pas vraiment envie de construire une relation, persuadée de toute façon qu'aucune relation ne valait la peine. C'était peut-être parce que mes copines se moquait de lui, et que je le trouvais beau, mais nous n'avions jamais vraiment discuté, avant. Et puis finalement nous n'avons même pas tellement appris l'un de l'autre après, on se voyait à chaque fois que j'allais avec mes

parents chez mes grands-parents, tous les dix jours environ, et je crois que j'avais pas envie d'autre chose que de faire l'amour avec lui et d'avoir un peu de tendresse, pour m'échapper un peu, je ne crois pas que j'aimais vraiment son caractère, trop timide, trop réservé, mais comme ça je pouvais faire ce que je voulais avec lui, et c'était pas plus mal... Et puis il est parti pour s'engager dans la garde planétaire. Il m'a demandé de venir avec lui, j'avais le niveau, je pense même que j'étais meilleure que lui. J'étais un peu jeune mais mes parents m'auraient laissée faire, papa a toujours voulu devenir pilote, mais il n'était pas assez bon. Je n'y suis pas allée, je tenais à lui pourtant, quand même. J'ai été triste je crois. J'avais du mal à comprendre mes sentiments. J'étais restée à peu près un an et demi avec lui. Je n'y suis pas allée parce que ce n'était pas ma vie, parce que je ne voulais pas que ce soit une autre personne que moi qui me pousse à faire les choses, à prendre des décisions. Et puis même si sur l'instant notre relation se passait plutôt bien, je ne voyais pas où elle pouvait bien nous mener. Je pense que je regrette un peu cette première relation. J'aurais sans doute préféré, avec le recul, quelque chose de plus platonique, de moins consommé, de plus difficile, de plus romantique.

Bref, un peu de temps passa, et vers dix-huit ans je me suis lancée dans des études diverses, aussi inintéressantes les unes que les autres. De toute façon j'avais un emploi assuré, quoi que je fasse, et je n'avais pas trop envie de m'investir dans quelque chose qui ne me plaisait pas. Je voulais juste piloter, et enfin avoir ma majorité pour pouvoir partir de cette planète, loin de toute cette vie, loin de mes parents qui m'étouffaient, loin de toutes ces choses qui m'étaient indifférentes. Je voulais juste voyager, découvrir les autres planètes, les autres mondes... Avant la majorité nous n'avions pas le droit de faire des séjours trop prolongés sous forme clonée. L'âge de la majorité dans la congrégation était de trente-trois ans, ce qui correspond en fait à vingt années d'Adama, la référence. Avant ces trente-trois ans je devais laisser mon corps grandir, ce que je trouvais stupide parce qu'à dix-huit ans je ne grandissais plus depuis plus d'un an, et attendre encore quinze ans me paraissait dément.

J'ai finalement trouvé une astuce, vers mes vingt ans et deux ou trois copains plus tard je suis allée étudier à l'autre bout de la