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Après le déjeuner chacun participe pour débarrasser la table, puis nous partons faire une balade en direction de la digue où je suis déjà passé ce matin. Je n'ai pas trop le coeur à quoi que ce soit, de toute manière. Nous arrivons finalement jusqu'au phare au sommet duquel nous décidons de monter. Il n'est pas extrêmement haut mais comme le pays est plutôt plat, nous voyons assez loin malgré le temps plutôt brumeux. Je n'aurais peut-être pas dû monter, une fois en haut j'ai eu presque envie de sauter par-dessus. Sauter pour que cette chose me laisse enfin. Je me demande si je ne suis pas en train de perdre les pédales. Ce n'est pas vraiment mon truc le suicide. Est-ce que ce serait ce bracelet qui me donne ces envies ? Bordel je ne sais plus si c'est moi qui pense ou un autre, ou autre chose !

Je m'évade un peu en regardant l'horizon. Amaury et Pixel ont une conversation métaphysique sur la pente que cela ferait s'il y avait une piste de ski entre le sommet du phare et une maison pas très loin de sa base. Nous sommes assez haut pour sentir le vent souffler. Mais il n'emporte rien de mes poids. Il ne fait que me transir et nous redescendons alors que je commence à n'avoir vraiment pas chaud. Retour à la maison par l'intérieur des terres, déjeuner, des pâtes avec je ne sais plus vraiment quoi ; je ne mange presque rien de toute façon. Je tente de dormir un peu ensuite, je réussis à faire un somme d'une vingtaine de minutes au chaud sous deux ou trois couvertures.

C'est encore un de ces sales rêves qui me réveille, toujours comme si quelque chose m'observait, si ce bracelet voulait m'emporter. Il y réussira, à force... Je commence à perdre la volonté de me battre. Les autres n'attendant plus que moi, je ne poursuis pas ma sieste, je me lève et nous partons pour la plage, décidant de laisser le roller pour le lendemain.

Plage de la Conche, toujours la même. La marée descend, nous entreprenons la construction d'un bassin de rétention, c'est à dire pour le dire simplement de faire un trou alimenté par des canaux pour drainer l'eau infiltrée dans le sable, et ainsi créer une sorte de petit étang. Je file deux ou trois coups de pelle puis je vais plutôt m'asseoir un peu plus loin, je n'ai pas vraiment l'envie de m'amuser. La mer me tente un peu, je retire mon tee-shirt pour garder juste mon maillot. Ma montre au poignet gauche, et le bracelet au

poignet droit, toujours. L'eau est froide. Les autres finissent leur bassin de rétention et viennent aussi tester l'océan. C'est si froid mais j'en oublie un peu le reste et parviens un instant à me détendre, enfin. L'engourdissement en est presque agréable. Après une dizaine de minutes tout le monde sort et nous repartons alors que le Soleil est déjà couché depuis un petit moment. Le soir nous sommes tentés par un plateau de fruits de mer à un restaurant. Douche pour tout le monde puis direction Saint-Martin en voiture. Un peu la galère avant de trouver un restaurant non complet ou avec des places en non-fumeurs. Mais l'attente nous permet de faire le tour du port et une balade dans la ville, qui se révèle des plus mortes en dehors des alentours immédiats du port. Plateau de fruits de mer, je n'ai pas vraiment d'appétit ; je goûte un peu tout mais ne mange pas grand-chose. Ceci pour le plus grand bonheur de mon entourage en famine permanente, enfin surtout Pixel.

Je ne fais pas attention à quelle heure nous rentrons, je suis fatigué, épuisé, mais je sais aussi très bien que la nuit ne sera qu'un autre ramassis de cauchemars. J'ai chaud ou froid je ne saurais dire, les deux peut-être. Après quelques heures d'insomnies, je ne sais pas combien, je ne regarde même pas ma montre pour m'en faire une idée, je crois que je m'en moque, je décide d'aller faire un petit tour dehors, prendre l'air, regarder les étoiles. Je m'habille sans faire de bruit et sors pour marcher un peu. Il n'y a pas d'étoiles, le ciel est couvert... Je marche en réalité plus qu'un peu et me dirige, sans trop savoir pourquoi, vers la plage de la Conche, où nous sommes allés hier et aujourd'hui. Nous nous y rendons habituellement en voiture mais ce n'est pas si loin à pied finalement. Je m'assieds un peu sur le sable. L'air est frais. Je soupire. Et puis, je ne sais pas trop si c'est moi qui... Enfin, je me lève, et je marche vers l'eau. Une vague recouvre mes chaussures. Elle est froide, mais c'est comme si j'avais besoin de me retrouver là. Je continue à avancer, j'ai de l'eau jusqu'à la taille. Je tiens mes bras hors de l'eau puis enfin plonge le bracelet sous la surface, pour le glacer, pour le noyer, pour l'oublier. J'avance, encore, jusqu'à devoir nager, je vais doucement, en faisant une sorte de pseudo-brasse. J'oublie... Je ne sais pas trop si j'ai nagé longtemps ou pas, loin... Je n'ai pas envie de regarder derrière. Je m'arrête, je le sens de nouveau à mon bras, presque encore plus froid que la mer. Je prends ma respiration, je descends de quelques mètres sous l'eau. Je souffle, je m'enfonce en