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qui était finalement la tienne, tout d'un coup ne fût plus ton affaire... Je me disais que je devrais poursuivre ton récit, mais que je ne savais pas trop comment faire pour retrouver la première partie que tu avais déjà écrite, peut-être si j'arrivais à retrouver l'adresse dans l'ordinateur de Martin. J'ai été tirée de mes rêvasseries par des cris et du vacarme. Erik est repassé derrière moi au cas ou il faille repartir en arrière. Il ne fallait vraiment pas être claustrophobe dans ces conduites, je crois que je ne serais même pas parvenue à me retourner pour rebrousser chemin, il me faudrait reculer.

Tout d'un coup les cris se firent plus proches, et des personnes sont arrivées en courant de la direction vers laquelle était partie Bakorel. Bakorel qui n'a pas tardé à passer en courant juste en-dessous sans s'arrêter, suivi de cinq ou six hommes le poursuivant. J'ai cru comprendre qu'il m'avait fait signe de partir en arrière, mais je n'en étais pas sûre. Mais Erik était d'accord avec moi qu'il était plus prudent de retourner dans la cachette de Bakorel, endroit où nous serions le plus susceptibles de le retrouver. Nous avons alors parcouru le chemin inverse. Au début la multitude de croisements et de bifurcations ont commencé à nous perdre. Je me suis mise à m'affoler un peu à l'idée d'être complètement désorientée et loin du bon trajet. Heureusement grâce au bruit des forges nous sommes parvenus à retrouver le parcours. Une fois le chemin de retour plus facile à suivre, nous avons observé plus précisément les salles sur lesquelles nous passions. Il y avait bien deux salles de fabrication de galettes, une autre où je n'arrivais pas à distinguer à quoi s'affairaient les hommes, plusieurs couloirs et des salles vides, et enfin les suffocantes et bruyantes forges proches de l'entrée de la cachette. J'avais toujours un peu d'appréhension à me suspendre dans le vide, et j'ai manqué de crier quand une de mes mains a glissé un peu, mais je suis parvenu sans trop de mal à passer de l'autre côté. Erik m'a conseillé de ne pas refermer derrière nous, ce passage étant sûrement la seule issue pour Bakorel. C'était aussi très compliqué pour arriver jusqu'à la cachette, car nous étions alors dans le noir. Mais finalement nous avons retrouvé l'échelle escamotable et nous sommes retournés attendre Bakorel tapis dans un coin, au cas où quelqu'un d'autre que Bakorel n'arrive jusqu'ici.

Nous avons attendu plusieurs heures, puis, finalement quelqu'un tenta d'ouvrir la lourde porte. Erik avait étudié le mécanisme

actionnant l'ascenseur, qui aurait pu être une sorte de sortie de secours, mais c'était inutile car c'était bien Bakorel qui est arrivé souriant les bras et les poches chargés de bouteilles et de galettes. C'était sans doute de cette façon qu'il récupèrait les compléments pour fabriquer ses propres galettes. Mais ce soir, c'était repas de fêtes, et nous avons eu droit à une demi galette encore un peu chaude comme festin !

Avant de nous coucher, j'ai parlé encore plusieurs heures avec Bakorel, pour nous amuser un peu, apprendre de nouveaux mots, mais aussi pour lui poser plein de questions. Je croyais comprendre que les grosses forges servaient à fabriquer des avions et des armes. Bakorel comptait le temps en nombre de cycles de sommeil, et cela fait plus de quatre mille cycles qu'il comptait, et il pensait que cela faisait huit mille cycles qu'il était né. Si un cycle faisait à peu près un jour, il avait donc aux alentours de vingt-deux ans, ce qui semblait correspondre, même si je lui aurais donné trois ou quatre ans de moins. Il s'était caché ici avec sa mère avant qu'elle ne se soit faite attrapée, puis emmenée et peut-être tuée par ces hommes. Il n'y avait pas de femme ni d'enfant ici, ceux-ci étaient tous ailleurs, je n'ai pas très bien saisi où... "

Je me suis endormi alors que Naoma raconte ses dernières découvertes avec Bakorel. Au petit matin elle me dit avoir arrêté de me parler quand elle s'est aperçue que je ne répondais plus à ses questions pour savoir si j'écoutais ; elle m'a alors fait un bisou sur la joue avant de s'endormir à son tour.

C'est Erik qui nous réveille de bon matin, avec sa finesse habituelle. Je me suis réveillé plusieurs fois dans la nuit, inquiet, et ce n'est que tard que je me suis réellement endormi. Erik est toujours un peu distant, et je crois qu'il se méfie encore, ou n'est pas des plus joyeux de se retrouver je ne sais où perdu avec nous. Je ne sais pas encore grand chose de sa vie, de ce qu'il faisait avant, s'il a des enfants, mais je ne crois pas d'après ses commentaires, s'il avait une copine... Naoma a un peu peur de lui je crois, elle ne lui fait non plus pas totalement confiance, malgré le temps qu'ils ont pu passé tous les deux quand j'étais mort, enfin presque mort je pense, puisque je suis toujours ici...