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mal mais les dégâts sont limités. J'aurai tout de même de bons bleus.

- Ce n'est pas le moment de te casser la figure, idiot, et si un hélico vient te canarder, que feras-tu avec un bras ou une jambe cassé ?

- Très drôle, merci de me le rappeler, à l'avenir je me souviendrai que je ne dois pas faire exprès de tomber. Et si tu pouvais expliquer à ton cheval qu'il doit me rattraper au vol si par malheur cela se reproduit, je t'en saurai gré.

- Allez, ne fais pas la tête. Tiens, arrêtons-nous un petit moment, comme ça tu pourras te reprendre.

- Hors de question, je ne suis pas fatigué !

À croire qu'elle a appris à me connaître bien vite, parce qu'elle comprend que je veux dire en fait "avec plaisir". Nous commençons de nouveau à parler un peu de nous, un peu plus en détail, ce que nous faisons de nos journées généralement, comment est la vie à Paris, ou ici, le cinéma, la musique... Toutes ces choses du monde occidental qui sont toutes pareilles, finalement, mais tellement différentes quand on en discute. Ces différences infimes qui n'en sont pas vraiment dans nos modes de vie calqués sur le modèle presque sacro-saint de nos civilisations d'Europe de l'ouest et d'Amérique du Nord. Mais elle se préoccupe assez peu de ces considérations, sur le monde, la géographie et la politique. Elle doit être un peu égoïste, ou désabusée. Elle m'explique très justement qu'elle sait très bien qu'il y a de la misère dans le monde, mais doit-elle tout abandonner pour autant ? Certes elle est sûrement favorisée, mais elle travaille dur tous les jours, même si je ne m'en rends peut-être pas compte depuis que je suis arrivé, novembre n'étant pas la plus dure période. Elle ne prend presque jamais de vacances, ne considère pas qu'elle traite mal ses employés, essaie de les payer plus que la moyenne. Ils sont plutôt contents de travailler pour elle et son père. Pour sûr, elle n'est pas tendre avec eux, et s'ils ne font pas du bon travail ils en ont pour leur grade, mais dans le cas contraire elle n'est pas avare. Nous dérivons par la suite sur d'autres sujets moins sérieux, et sur nos tracas de la vie de tous les jours. Elle passe un long moment à m'expliquer divers épisodes, pas très intéressants, mais qui la font bien rire, de ses aventures

tumultueuses lors de son éducation religieuse.

Elle est vraiment jolie...

- Eh ! Tu m'écoutes ?

- Hum j'avoue que tu m'as perdu en route, un peu après l'histoire des pages de Playboy collées dans la bible, et le pasteur qui découvre la farce en pleine messe...

- Ouais ça fait bien dix minutes que tu n'écoutes plus quoi ! T'es vraiment pas cool...

Elle me pousse, je roule sur le côté, je reste un moment dans l'herbe, fermant les yeux, c'est si bon de tout oublier, parfois. Je me redresse finalement.

- T'as une copine en France ?

- Non.

- Pourquoi ?

- Je suis gay.

Elle est très étonnée, et ne sais pas trop quoi répondre. Mais j'ai comme l'impression que cela la gêne.

- Tu as quelque chose contre les homosexuels ?

- Euh, non mais, enfin, mais... Et, euh, tu as un copain alors ?

- Je ne suis pas gay, mais j'ai l'impression que tu n'aimes pas trop les homosexuels ?

- Non, ce n'est pas ça. Enfin pas vraiment. Tu sais, depuis toute petite mon père m'a éduquée avec ses idées un peu racistes, et ce n'est pas évident de tirer un trait sur tout ça et essayer de ne pas avoir de préjugés par la suite. On a beau dire, c'est pas si facile de ne pas être raciste et d'être vraiment tolérant, on est tellement prédisposé par ce que l'on a appris dans notre enfance. Mais j'essaie, vraiment, de ne pas faire de différences, d'embaucher des Noirs ou des Hispaniques autant que des Blancs pour les postes au ranch, et de les