et j'ai été très impressionnée par sa capacité à retenir et à prononcer correctement l'alphabet anglais. Nous avons continué ce jeu en prononçant et écrivant des mots communs, parfois assorti d'un dessin. Il était beaucoup plus fort que moi pour la mémorisation. Et il semblait bien ne jamais avoir rien connu d'autre que la vie dans ces bâtiments souterrains, car il ne connaissait pas ce qu'est un arbre, une voiture, un lapin... Nous sommes arrivés à bout de la patience d'Erik après avoir vainement tenté de lui demander son âge, mais il n'a pas compris pas la notion d'année, je ne suis même pas sure qu'il comprenait ce qu'était le Soleil dans mes dessins tentant d'expliquer le tour que fait la Terre autour de celui-ci.
Bref nous avons cessé ce petit jeu et Erik est revenu sur notre volonté de remonter à la surface. Bakorel semblait refuser et Erik et moi nous sommes alors partis seuls à la recherche d'une issue pour sortir d'ici. Mais toutes les issues étaient verrouillées. La zone était vraiment condamnée et ça expliquait pourquoi Bakorel était tranquille ici, il avait dû trouver un moyen d'y accéder alors que tous les autres pensaient que la zone était complètement inaccessible. Erik m'a expliqué qu'il devait persister une conduite de ventilation non obstruée, et nous avons entrepris dès lors de trouver un moyen de nous glisser dans l'une d'elle dont nous avions trouvé l'ouverture dans le couloir près de l'ascenseur. Elle était haute et Erik m'a fait la courte échelle pour m'aider à parvenir jusqu'à la grille. Mais impossible de l'ouvrir, celle-ci était si solidement fixée qu'à mains nues nous n'avions aucune chance de la retirer.
Bakorel nous regardait d'un air amusé, et il s'est enfin décidé à nous appeler pour nous indiquer son moyen d'accès. Et je crois qu'il nous aurait fallu des jours ou des semaines pour parvenir à le dénicher, et surtout en comprendre le fonctionnement. Il nous a fallu dans un premier temps débloquer puis ouvrir une lourde porte, et nous avons aidé Bakorel à la pousser puis à la refermer. Nous sommes ensuite arrivés dans un couloir non éclairé où j'ai tenu le bras de Bakorel pour le suivre. Il a compté tout haut en anglais pour nous indiquer le nombre de pas à effectuer. Il était vraiment formidable. Il en a profité d'ailleurs pour apprendre à compter de dix à vingt, il fallait dix-neuf pas. Il a alors sauté pour s'accrocher à une échelle escamotable qui est descendu sous son poids. Nous sommes montés avec lui et il a fallu ensuite pousser une plaque avec une
poignée pour arriver dans un conduit. Une fois tous rentrés, il a bien fait attention à refermer l'accès. Le conduit était suffisamment large pour que nous puissions nous y déplacer à quatre pattes. Il était bordé de multiples tuyaux et fils, et plus qu'une conduite d'aération il devait être un moyen de maintenance pour réparer ou intervenir quand il y avait un soucis au niveau des câbles.
Nous avons avancé pendant dix à quinze minutes avant d'arriver à une paroi. À mesure que nous avancions il faisait de plus en plus chaud. et la paroi, si elle n'était pas brûlante, était quand même très chaude. Nous avons entendu des bruits de machines, et parfois même j'ai cru distinguer des voix. Alors a commencé la partie périlleuse. Cette paroi était en réalité une porte, ou plus exactement un bouchon, que Bakorel a poussé le long du conduit jusqu'à ce qu'une lumière rouge vive nous éclaire par l'ouverture qu'il avait révélée sur le bas de la conduite. Les câbles et les tuyaux étaient sectionnés à ce niveau, c'était sans doute la conséquence de l'isolement de la zone. Il restait juste un fil dans une rainure, sûrement faite par Bakorel, qui devait être l'arrivée d'électricité qu'il avait rétabli. Bakorel s'est glissé dans l'ouverture et s'est suspendu alors aux rebords. Le trou n'étant que sur la partie centrale de la conduite, il y avait des rebords auxquels on pouvait s'accrocher. Nous avons compris qu'il passait ainsi par dessous le bouchon et atteignait l'autre côté de la paroi.
Autant en le voyant faire ce passage ne me faisait pas peur en imaginant être au dessus d'un couloir avec deux ou trois mètres de hauteur sous plafond, comme dans les couloirs ou nous étions, autant la découverte du contrebas m'a refroidi. Je devrais plutôt dire réchauffer pour être exacte, aux vues des immenses forges qui parsemaient la salle gigantesque qui se dévoilait sous moi. Plusieurs dizaines de mètres plus bas, peut-être trente ou cinquante mètres, des centaines d'hommes s'affairaient à manier les bacs remplis d'acier en fusion qui était déversé dans les moules. Je ne distinguais pas clairement ce qu'il se fabriquait ici, le champ de vision étant réduit par les maints conduits et barres de fer traversant la salle et soutenant toute la structure. Mais c'était sans doute tout cet enchevêtrement qui permettait que personne ne remarque Bakorel. Erik m'a poussée finalement, s'impatientant :