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n'ai pas suffisamment confiance pour te prendre à côté de moi. Tu penses que tu peux encore marcher une quinzaine de miles ? À moins que tu ne déclines l'invitation et préfères rester ici, mais tes copains de l'armée pourraient en profiter.

Je n'ai pas vraiment le choix, et elle n'a pas l'air si méchante en plus d'être jolie. Cela dit c'est encore le meilleur plan pour se faire avoir. Je bois encore trois gorgées.

- C'est au contraire avec beaucoup de joie que j'accepte. Mais est-ce que par hasard tu aurais un truc à manger, voilà plus d'un jour que je n'ai rien avalé, et je ne sais pas si je pourrai faire encore vingt bornes dans ces conditions.

- Non, désolé, je n'ai que de l'eau. Soit tu y arrives, soit tu crèves ici.

Charmante. Mais enfin, j'imagine qu'avec un peu de chance elle n'est pas si terrible, et que je pourrai me reposer et manger un peu chez elle. Je repartirai alors demain avec une voiture du coin. Il me reste toujours en effet plus de deux mille dollars, et je pense pouvoir négocier pour que quelqu'un me rapproche de la frontière.

- Si je comprends bien j'ai de la chance que tu m'aies trouvé, paumé au milieu de ces rocailles.

- Pas tant que ça, je t'aurais sûrement trouvé quoiqu'il arrive, peut-être pas vivant, mais trouvé. Mon père a un ranch à une quinzaine de miles, lui-même à une douzaine de miles de Bryan, à la limite du comté de Roberston, près de la rivière Brazos. Deux pouliches d'assez grande valeur se sont faites la malle il y a deux jours, et je passe une partie de mes journées à parcourir la région pour les retrouver. De plus, avec la route barrée, j'étais curieuse de savoir ce qu'il s'était passé. J'aurais au moins appris ça. À la télé, ils ont dit qu'un engin militaire s'était éloigné de sa zone d'entraînement par erreur, il y a un terrain militaire un peu plus au nord, et avait tiré une roquette qui avait endommagé la route. Si j'ai bien compris, et que ce que tu dis est vrai, ce dont je doute un peu quand même, cette roquette t'était plutôt destinée. Pourquoi t'en voudraient-ils ?

- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée que je te

l'explique, jusqu'à présent ça n'a pas spécialement porté bonheur aux personnes que j'ai rencontrées que je les mette au courant.

- C'est ça ou je te laisse là.

- Boah maintenant j'ai une gourde avec encore au moins un litre dedans, et je sais qu'à 22 bornes, enfin 15 miles, dans cette direction, il y a un ranch. J'imagine que ton père ne me laissera pas crever devant son ranch.

- Hou si j'étais toi je ne présagerais pas de l'hospitalité de mon père. Mais sans devoir faire de chantage, tu comprends que je sois curieuse, tu es peut-être un dangereux terroriste. Tu n'es pas américain ? Tu as un accent.

- Je suis Français...Pour être franc je ne sais pas pourquoi ils m'en veulent, pas plus que je ne sais vraiment pourquoi ils m'ont épargné hier alors qu'ils avaient l'opportunité de me tuer. Mais puisque tu y tiens, voilà l'histoire.

Et rebelote, je lui raconte l'histoire à partir de la découverte du bracelet à Paris. S'ajoute au récit que j'avais fait à David l'épisode des cahiers, sa fin tragique, et mon long trajet en voiture. Le temps que je raconte toutes mes aventures, avec mes suppositions, ses questions, il se passe près d'une heure et demi. J'en termine la gourde à mesure que parler m'assèche la gorge.

- Soit tu as beaucoup d'imagination, soit tout ceci est très étrange.

Je tente encore de récupérer quelques gouttes du fond de la gourde, en m'arrêtant et en la laissant pendue au-dessus de ma bouche..

- C'est d'autant plus étrange que je ne sais toujours pas réellement pourquoi ils me courent après. Maintenant je me doute qu'ils m'en veulent pour ce que je sais, et désormais que je n'ai plus les cahiers, il ne leur sera pas difficile de me faire passer pour un fou qui raconte n'importe quoi. C'est peut-être ça, d'ailleurs, la raison pour laquelle ils ne m'ont pas tué hier, peut-être que la destruction des cahiers leur suffit, et peut-être encore ne sont-ils pas aussi méchants que je me l'imagine, ou peut-être que je ne