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En août 1917 il fut plus que grièvement blessé dans les tranchées du Chemin des Dames et éloigné du front pour se faire soigner. Plusieurs balles lui avaient traversé la colonne vertébrale et il était immobilisé sur son lit, attendant patiemment que la mort veuille bien de lui, ne sentant ni n'entendant plus rien du monde environnant. Il m'a certifié être mort ce jour là, d'avoir vu son esprit flotté au-dessus des champs de mort et de misère qui entouraient l'hôpital de fortune.

Mais la mort ne voulut pas de lui, et c'est un ange qui le ramena sur terre et se matérialisa, comme il aimait à le dire, pour lui apporter la sagesse qui lui manquait, sous la forme de Seth.

C'est elle qu'il vit trois semaines après sa blessure, quand il ouvrit les yeux dans cette petite ferme de Champagne, loin de tout.

- Je m'appelle Seth, je vous ai emmené avec moi pour vous soigner, vous êtes encore gravement blessé, mais je vais vous aider à vous rétablir. Je suis moi-même très éprouvée, et votre rétablissement prendra du temps. Ne parlez pas, reposez-vous simplement, je passerai vous voir une fois par jour, pour vous donner nourriture et eau, et faire votre toilette.

Du temps passa. Des jours et des jours, Étienne retrouvait petit à petit ses esprits, et finalement un jour put de nouveau enfin parler.

- Mais ? Qui êtes-vous ? Et où sommes-nous ?

- Nous sommes en Champagne, dans une petite ferme plus qu'isolée, loin de la guerre, tout du moins pour l'instant.

- Mais... Quelle date sommes-nous ? Depuis combien de temps

suis-je ici, je me rappelle de vous comme d'un rêve, mais...

- Nous sommes le 13 novembre 1917, vous avez été gravement blessé le 18 Août, je vous ai amenée ici pour vous soigner.

- Mais ? Pourquoi ne suis-pas resté à l'hôpital du front ? Vous êtes infirmière ? Pourquoi suis-je seul ici, il y d'autres personnes ?

- Non, vous êtes seul. Je ne suis pas infirmière, pas vraiment, tout du moins. Mais ne vous fatiguez pas trop à tenter de comprendre pour l'instant, attendez d'être rétabli, vous comprendrez alors.

Et il resta ainsi, allongé sans pouvoir bouger, pendant presque trois mois, chaque jour Seth venait lui donner nourriture, eau et prendre soin de lui. Au mois de décembre 1917, enfin il put bouger, simplement quelques doigts d'abord, puis, jour après jour, au gré des soins de Seth, il réapprit à bouger les bras, ses jambes, à se dresser, à marcher, manger, se laver.

Il sortit enfin sous le soleil blafard du mois de décembre 1917. Il était perdu dans une petite maisonnette en pierre, chauffée par un feu de bois alimenté chaque jour par Seth. Il ne voyait rien à perte de vue, seulement des bois et des champs. Il avait encore du mal à bouger, et il ne put guère plus que faire le tour de la petite ferme, plus une maisonnette abandonnée qu'une ferme, à ce titre. Il ne vit qu'un petit sentier arrivant de la forêt, se demandant si Seth arrivait par là. Il rentra ensuite, car il faisait froid en ce 23 décembre.

Seth arriva plus tard ce jour là, et elle le prévint aussi qu'elle ne viendrait plus pendant une semaine, lui laissant un sac rempli de provision, et lui indiquant la réserve de bois pour le chauffage. Elle lui fit promettre de marcher tout les jours, et d'utiliser la plume et le papier qu'elle lui donna pour réexercer sa main à l'écriture.

Il passera Noël seul, intrigué, étonné, curieux de cette situation si calme, de ces mois de tranquilité et de douceur, sans même savoir ce qu'il en était de la guerre. Seth lui en avait très peu parlé, ce n'était que dernièrement qu'elle lui apportait coupure de