L'homme, un grand noir à l'allure pas très avenante, me conduit sur un chemin différent, semble-t-il, que la première fois. Je le lui fais remarquer, il répond que Matthias ne rencontre jamais la même personne au même endroit. Je trouve cette mesure moyennement crédible et étrange, mais qu'importe, soit je pars soit je reste, mais je ne peux le faire à moitié, et en restant je suis voué à lui faire confiance. Après quelques rues, nous pénétrons à l'intérieur d'un immeuble pour y descendre dans une salle au sous-sol. Nous passons tout d'abord une grande salle de discothèque, ou de bar dansant, suivant les points de vue. Quelques personnes sont assises là et sirotent un verre. Une ambiance de soirée débutante s'échappe de la musique légère qui se fait entendre et de quelques lumières rouges ou bleues qui clignotent. Après un couloir l'homme me demande de patienter quelques minutes. Il entre dans un pièce et en ressort trente secondes après, m'invitant à le suivre.
La petite pièce est un bureau simple, avec deux fauteuils sur ma gauche, quelques chaises, une table avec de nombreux documents éparpillés dessus et deux placards en métal à ma droite. Un homme est assis derrière la table, petit, de toute évidence plus que moi, habillé simplement. Je me retourne brusquement au bruit de la clé dans la serrure. Le grand noir a fermé la porte à clé et a mis la clé dans sa poche. J'ai un regard de panique. Je demande des explications.
- Qu'est ce que cela signifie ?
Il ne me répond qu'en ignorant ma question.
- Voilà donc le fameux Ylraw ! C'est bien vous, cette photo ?
Il se retourne et me présente à ce moment le même papier que celui des deux hommes avec ma photo imprimée dessus. C'est un guet-apens !
Je m'élance vers le grand noir pour forcer le passage. Il est surpris, tente de m'arrêter en tendant les bras mais ne pare pas un violent coup de tibia dans sa cuisse. Il se plie sous la douleur et son visage se place au niveau idéal pour que lui décoche un coup du tranchant de la main dans la gorge. Il s'écroule mais alors Matthias White intervient.
- Du calme, monsieur François Aulleri. Votre tête est mise à prix mort ou vif, et je n'hésiterai pas à tirer au moindre nouveau geste d'agressivité de votre part.
Je me retourne. Il est toujours assis et pointe sur moi un pistolet. Je me calme et m'éloigne du grand noir. Celui-ci se relève, se dirige vers moi et se venge par un puissant coup de poing dans mon ventre. Ma blessure aux abdominaux se réveille et m'arrache un cri de douleur, je tombe au sol.
- Du calme, laisse-le.
Le grand noir se recule, Matthias poursuit.
- Les personnes qui vous recherchent offraient cinquante mille dollars américains pour votre carcasse. Rien que le fait que deux personnes vous aient aperçu en début de soirée à Melbourne a fait monter le prix à quatre-vingts mille dollars. Ce que j'aimerais savoir, c'est pourquoi elles vous veulent tellement. Pour moi vous n'êtes rien et ne valez même pas le temps que je suis en train de passer avec vous. À mon avis s'ils sont prêts à donner d'entrée de jeu cette somme, c'est qu'ils sont très pressés et disposés à mettre beaucoup plus. Vous comprendrez très bien que si je connais la raison, je saurai d'autant mieux faire monter les enchères. Contrairement à eux j'ai tout mon temps, et ne serais pas contre deux cent, trois cent mille dollars ou même plus dans ma poche.
- Dans notre poche.
Le grand noir précise, voulant lui aussi sa part du gâteau. Quatre-vingts mille dollars. Moi qui galère pour dix mille malheureux dollars australiens, j'aurais mieux fait de faire une arnaque à l'assurance !
- Oui, dans notre poche Erik.