page 156 le patriarche 157

Nous allons récupérer nos bracelets. Pénoplée nous regarde d'un air très énervé.

- Pourquoi aviez-vous enlevé vos bracelets ? Vous savez que c'est encore plus grave pour vous que de dire des bêtises ?

Je me contente d'un sourire forcé en la regardant, et je me place droit dans l'attente du départ.

- Je suis prêt.

Erik répond de même. Le voyage ne me déçoit pas, il est brutal et rapide, comme je pouvais m'y attendre. Pénoplée est partie de l'avant, laissant à Moln et les autres le soin de voyager plus tranquillement. Une fois arrivée, Pénoplée ne dis pas un mot et s'en va vers son chalet. Elle est vexée mais qu'importe, j'ai d'autres choses en tête. C'est elle qui est censée être adulte, après tout. Je rejoins mon chalet, et tente infructueusement de l'interroger pour avoir plus d'informations sur les téléporteurs. Je me fais préparer alors un copieux pique-nique, que je vais manger sous la pluie fine au bord de la mer.

Comme moi le ciel pleure mais ne gronde pas ; je suis triste bien plus que je ne suis énervé. L'énervement n'est rien, il n'est qu'un moyen pour faire avancer les choses ; mais qu'est ce que je fais ici, et qu'est ce que je vais faire ? Ce n'est définitivement pas chez moi... Ah, mon Dieu... Est-ce là ton paradis ? Règnes-tu sur ces contrées éloignées ? Toi que j'ai oublié depuis si longtemps, c'est perdu si loin que parfois je me demande... Je devrais être heureux, Naoma va peut-être revenir, et la vie est si simple ici. Mais après, qu'allons nous devenir, combien de mois, d'années nous faudra-t-il attendre dans leur système avant de pouvoir espérer faire quelque chose ? Ils ne sont pas plus dynamiques que s'ils étaient morts. Ce qu'ils sont déjà tous, d'ailleurs... Je repense à la Terre, à ma famille, à Deborah... ? Ils me croient sans doute tous mort là-bas... Les larmes me montent aux yeux, je pleure. C'est paradoxalement réconfortant parfois, d'exhumer sa peine, de faire s'évacuer les sanglots... J'aimerais tant revenir avant que vous ne soyez tous morts et enterrés depuis des siècles... Mais après tout, ne pourrais-je pas être heureux ici ? Construire une nouvelle vie, trouver de nouveaux combats, de nouvelles motivations, découvrir toute cette science que nous n'aurons jamais avant des siècles ou des

millénaires, et surtout vivre pour toujours ou presque...

Il pleut toujours, je n'ai pas encore touché mon déjeuner. Soudain je suis surpris par une personne s'asseyant à côté de moi. C'est Pénoplée, je ne l'avais pas entendue, à moins qu'elle ait utilisé sont bracelet. Elle reste un moment silencieuse puis me parle enfin, en regardant l'horizon :

- J'ai vu que tu pleurais, je... Je suis désolée d'avoir été sèche. Je ne me rends pas compte que pour toi notre tentative représente l'espoir de pouvoir retourner chez toi, de comprendre cette histoire. Je comprends que parfois tu voudrais que les choses aillent plus vite.

- Ce n'est pas si grave, je trouverai bien un moyen.

- Je comprends que tu puisses nous en vouloir, de ne pas tout tenter, mais... Nous sommes tellement désorientés. Il ne nous ait jamais arrivé une chose de ce type, nous pauvres villageois. Et encore moins que les artificiels mentent, ou soient défaillants, même après une contre analyse. Tout marche toujours sans problème... D'habitude.

- Je comprends, c'est moi qui suis désolé d'avoir été impatient et méchant. Tu as déjà beaucoup fait pour moi, et je t'en suis reconnaissant.

Je redeviens silencieux, et pousse un long soupir. Pénoplée reprend sa voix craintive, celle de la petite fille que je voudrais temps réveiller en elle pour de bon :

- Tu... Tu veux que je te laisse seul ?

Je me retourne vers elle, elle est craquante avec les petites gouttes d'eau qui perlent au bout de son nez. Je me lève et me place derrière elle, je la tiens dans mes bras, entre mes jambes. Je lui fais un bisou dans le cou.

- Non reste, j'ai assez à manger pour deux, ça te dérange de manger sous la pluie ?

- Avec toi non...