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débrouiller. Un mois ou deux... Déjà plus de deux mois que nous sommes ici, et quatre mois que je suis parti de chez moi. Pourtant je ne crois que pour rien au monde je voudrais que cette histoire ne soit pas arrivée, découvrir toutes ces nouvelles choses, même si c'est dans la douleur. Ma vie ne sera plus jamais ce qu'elle était, plus jamais peut-être même ne reverrai-je la Terre... Je suis si seul... Toujours...

Soixante-cinquième jour, comme chaque matin c'est plein d'entrain que je me réveille, décidé à continuer de construire ma relation avec Pénoplée. Mais de nombreuses heures passent et elle ne vient pas. Erik se réveille à son tour, et se contente d'un bref "salut". Nous restons toute la matinée sans nouvelle, et je la consacre à quelques exercices physiques, Erik fait de même et l'atmosphère se détend un peu quand nous commençons à faire des concours du plus de pompes. Mais tout s'explique en milieu de journée, quand nous voyons, à travers les fenêtres, Pénoplée atterrir avec ses ailes d'abeilles accompagnée semble-t-il de tout le reste du village, qui doit sans doute revenir d'un voyage ou d'un quelconque rassemblement auquel elle n'a pas désiré participer, à moins qu'elle ne fut désignée pour garder le village. Ou encore peut-être simplement des curieux qui viennent nous voir...

Pénoplée vient enfin nous saluer, et nous demande de sortir pour nous présenter aux autres personnes. Il y a là rassemblée une petite cinquantaine de personnes, la plupart sont jeunes et bien sûr très belles, hommes ou femmes, mais il y a aussi quelques personnes plus âgées, en apparence tout du moins. Mais elles sont toutes très différentes les unes des autres, il y a des noirs, des blancs, des jaunes, des rose foncé, un peu violacé, une couleurs de peau peu courante sur Terre... Ils sont habillées avec leur combinaison, et une fois au sol les ailes sont repliées et non visibles, sans doute dans le petit sac dorsal, identique à celui qu'avait la fille qui m'a sauvé plusieurs fois en Australie. Ils parlent tous entre eux ou écoutent Pénoplée qui doit leur expliquer ce qu'elle sait de nous. S'ensuit un débat très animé dont je serai curieux de savoir le sujet. Ils n'ont pas l'air d'accord entre eux.

Leur discussion dure très longtemps. Au bout de quelque temps Pénoplée s'aperçoit enfin que nous nous impatientons et elle nous raccompagne dans notre logis. Ensuite la petite troupe de personne se

dirige vers une des plus grandes maisons du village, sans doute la salle des fête ou tout du moins l'endroit où il se réunissent. Nous n'aurons pas beaucoup plus de nouvelles ce jour-ci, simplement la visite de Pénoplée accompagnée d'un jeune-homme, si tant est qu'il n'est pas lui non plus mille ou deux mille ans, qui nous apportèrent de quoi manger. Je crois que je suis déjà un peu jaloux, j'espère que ce n'est pas son ami...

Les jours qui suivirent furent beaucoup plus chargés, car en plus de Pénoplée de multiples autres personnes désiraient s'entretenir avec nous. Je tentais toutefois de rester le plus clair de mon temps avec Pénoplée, à parfaire ma connaissance de la langue, et Erik avait finalement décidé de s'employer lui-aussi à son apprentissage. Dorénavant nous sommes simplement confinés dans le chalet pour la nuit, mais du moment qu'une personne est avec nous, nous sommes pratiquement libres de nos mouvements. Les gens ne semblent pas travailler, ils passent le plus clair de leur temps à se promener, discuter entre eux ou se consacrer à quelques passe-temps. Chacun semble avoir une maison qui lui est propre, même si bien souvent ils sont soit chez l'un soit chez l'autre. Tout à l'air si paisible, si parfait. La plupart des habitants semblent célibataires, même s'il existe quelques couples.

Deux mois s'écoulent. Ici les gens ne comptent pas en mois ni en semaines, mais en "sixièmes". Leur année officielle est divisée en six grands sixièmes eux-mêmes divisés en six petits sixièmes d'une quinzaine de jours. Quatre petits sixièmes, deux mois, donc, d'apprentissage presque exclusif de cette langue, et de la connaissance de ces gens, certes facilité par les efforts des habitants du village qui nous poussent à parler et à progresser. J'ai l'impression que nous les amusons et qu'ils nous aiment bien. Je n'ai pas trop de mal à concevoir qu'ils accueillent avec plaisir un peu de changement dans leur quotidien qui semble désespérément identique de jour en jour. Cent vingtième jour. Je pense que nous sommes désormais capable Erik et moi de tenir à peu près n'importe quelle discussion, dans la mesure ou l'interlocuteur ne parle pas trop vite et nous explique les mots que nous ne connaissons pas encore. Erik est plus doué que moi, il arrive à s'immiscer dans les conversations, alors que j'ai encore du mal à comprendre quand les personnes qui parlent ne font pas des efforts pour mieux articuler et parler un peu plus