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n'y a que de basses collines et quelques arbres épars qui poussent dans du sable rouge. L'herbe au sol est brûlée par le Soleil et n'a même plus qu'un vague souvenir de sa couleur originelle. Je vais devoir quitter le chemin, il semble se diriger vers des endroits encore plus arides. Je devrais tenter d'aller vers les petits bois que je vois sur la droite, en espérant y trouver de l'eau, des animaux ou des insectes.

Tout est tellement sec, je n'ai absolument rien trouvé en deux heures. J'ai bien goûté quelques plantes, mais le goût était affreux, et je n'y ai pas trouvé la moindre trace d'humidité. Je me repose à l'ombre d'un arbre, me demandant comment je pourrais bien me sortir de là. Je suis dans un piteux état. La cheville gauche gonflée, deux blessures à la jambe droite, un tatouage de bracelet en brûlure sur le poignet droit, une cicatrice de balle dans l'épaule, une autre de seringue au ventre, et je passe toutes les blessures superficielles. Décidément ce n'est vraiment pas de tout repos d'être aventurier, et je comprends que l'on n'y fasse pas de vieux os. Finalement je me demande si je ne préférais pas faire des images de CD pour Mandrakesoft, mes petits programmes sous Linux et des junk-food parties avec mes potes... Mais c'est le passé, à présent je suis perdu je ne sais où, sans rien à manger, sans eau et sans savoir quelle direction prendre, et pour couronner le tout je suis recherché partout dans le monde par des tueurs et autres tarés qui font griller des gars dans des fourgons, sans que je n'y comprenne que dalle. J'ai quand même la chance qu'une nana top-model me sauve des mauvaises passes de temps en temps, c'est vraiment super...

Je nage en plein délire, à croire que le monde part complètement en vrille... Je dois être dans la matrice et ça commence à bugguer sévère...

Je somnole ou avance d'arbre en arbre le reste de la journée, maudissant mon sort et pestant contre la chaleur. Je ne dois pas avancer de plus d'un kilomètre ou deux. Je m'interroge s'il ne serait pas plus prudent la nuit tombée de retourner marcher sur le chemin par lequel nous sommes arrivés. L'Australie est immense et suivant où nous nous trouvons, je pourrais marcher des jours sans jamais trouver ni eau ni route, et mourir desséché dans un coin sans que jamais personne n'en ait écho... J'ai repéré où se couchait le Soleil et qui doit indiquer l'Ouest. C'est dérangeant de voir le Soleil au nord tourner à

l'envers. Sydney étant dans l'Ouest de l'Australie... J'ai une hésitation, je ne sais plus. Je ne sais plus si Sydney est à l'ouest ou à l'est. Je suis vraiment découragé d'être aussi nul en géographie. Je me dis alors à bien y réfléchir qu'il est plus prudent d'aller au sud. Même si malheureusement je vais revenir sur mes pas.

La nuit tombe, je me remets à marcher plus sérieusement. J'ai beaucoup de mal. J'ai toujours l'arme avec moi, dans l'espoir de dégommer un kangourou qui passe, ou un koala, ou n'importe quelle bestiole locale avec un peu de viande, au diable les protéines végétales ! J'avance pendant plusieurs heures. Soudain je croise une sorte de gros lézard, je lui pars après en courant mais impossible de mettre la main dessus. De plus je vois très peu dans l'obscurité. C'est vraiment trop bête ! J'aurais dû le flinguer dès que je l'ai vu. Je suis tout de même un peu sceptique à la fois sur ma capacité à atteindre un lézard avec un pistolet et sur l'intérêt de gâcher une balle pour si peu. Bref, je marche encore deux ou trois heures, et je m'arrête, trop épuisé, lassé, meurtri, affamé, assoiffé, blessé, enfin bref, dans un bien piteux état. J'ai terriblement mal à la tête, et mon esprit n'est plus très clair. J'ai peur de faire une bêtise et je me demande si je ne ferais pas mieux de me débarrasser de mon arme. Je prends ma pierre dans la main, la serre fort en me convaincant que je vais mieux, et je m'endors pour une nouvelle nuit dans la nature.

Mercredi 20 novembre. Je n'ai dormi que quelques heures, réveillé par la chaleur et la lumière, entre cauchemars et réalité. Je me redresse un peu et m'assois et reste ainsi un moment, les yeux et l'esprit dans le vide. Il faut que je trouve de l'eau avant demain soir ou je suis foutu. J'ai déjà un réconfort, depuis que je suis perdu, je ne me fais plus courir après par des hommes de l'organisation. Espérons si je m'en sors que cette petite escapade leur aura fait définitivement perdre ma trace. À ce sujet je me dis que je ne devrais pas retourner à Sydney, mais à une autre ville ou se trouve un Consulat français, de façon à ne pas de nouveau me faire remarquer. L'organisation ne doit pas se trouver dans toutes les villes, il ne peut pas y avoir un réseau aussi grand sans que jamais personne ne s'en soit aperçu. Ce doit être ma seule réflexion intelligente de la journée... Jusqu'au soir je marche doucement en faisant de nombreuses pauses. Pas de trace d'eau ni de vie. Toujours