plus clair de son temps à défendre ardemment les idées de Teegoosh. Mais sur Ève la tâche était plus facile, étant donné le statut historique de la planète. Les pré-avis donnaient une victoire pour Teegoosh à soixante-dix pourcent. Mais hormis quelques planètes aux statuts et à l'histoire spécifique, la Congrégation était plutôt favorable à Goriodon. Les pré-avis lui donnaient raison à cinquante-cinq pourcent. Ragal sillonnait donc les planètes pro-Goriodon dans l'espoir de renverser la balance.
Au bout d'un mois je lui annonçai finalement mon intention de cesser notre relation. Il s'excusa de ne pas avoir été présent ; il s'excusa de m'avoir pris tant de temps. Une semaine (un demi-sixième) plus tard il vint me voir et me demanda, dans un long discours, de lui donner une dernière chance, toute dernière. Qu'il changerait, qu'il tenterait d'être plus présent, de faire plus de choses avec moi. Comment pouvais-je lui résister ? Je cédai.
Il fit des efforts, sûrement plus que je n'en fis moi. Nous voyageâmes beaucoup, je découvris les cratères dorés de la planète-or, la mer d'argent de Machior sous ses étoiles triples, les arbres géants peuplés de millions d'oiseaux multicolores de Faishia, les incroyables éclairs interplanétaires des planètes jumelles Moy et Moya, et de multiples autres merveilles de la nature. Mais plus le temps passait plus Ragal était préoccupé. De toute évidence Goriodon allait devenir le prochain chef du Congrès, et Ragal s'imaginait mal vivre dans une Congrégation où sa seule raison de vivre ou presque lui serait interdite.
Moi-même, la victoire de Goriodon presque assurée, je m'étais réorientée sur des études plus historiques et plaisantes. Des robots précepteurs nous faisaient apprendre et analyser quelques épisodes clés de notre histoire. Je trouvais le tout plutôt ludique, et de plus ces cours éclairaient certaines de mes interrogations quant au pourquoi de certaines choses. J'appris ainsi que la base six, qui n'avait rien de logique vus nos dix doigts, était un reléguât des six doigts des reptiliens, qui nous apprirent leur façon de compter, et que les multiples tentatives par la suite pour passer en base dix n'avaient pas abouti. J'eus aussi la confirmation que par le passé nous mangions bien des être vivants, voir même que nous élevions certains d'entre eux dans ce seul but ! Pour faire bref toute ces activités m'amusèrent un temps. Et puis quand Ragal redevint moins
présent, je perdis de nouveau un peu le moral, et je prenais la décision ferme d'en finir une fois pour toute.
Nous parlâmes longuement, et cette fois-ci pas de chose et d'autre, de nous uniquement. Le constat était finalement plutôt évident. Nous ne nous ressemblions pas. Autant avions-nous quelques loisirs en commun, autant notre vision de la vie n'avait rien à voir. Il accepta mon choix, et je ne le vis plus. Six mois passèrent (deux sixièmes), puis le vote : Le Libre Choix ; pendant trois mois (un sixième) la congrégation vota. Pendant ce sixième le travail fut officiellement interrompu, même si dans les faits depuis presqu'un an plus grand monde ne travaillait vraiment. Les gens pouvaient voter autant de fois qu'ils voulaient, seul leur dernier vote comptait. Le pourcentage de pro-goriodon oscilla entre soixante-deux et soixante-neuf pourcent, pour se terminer à soixante-huit pourcent virgule six, environ. Les pro-Teegoosh recueillirent trente-et-un pourcent, le reste allant aux indécis. Tout le monde votait, sauf les enfants de moins de seize ans. Toutefois les votes des personnes non majeures, dont je faisait partie, n'étaient pris en compte qu'avec un certain facteur. Je fus d'ailleurs étonné que la majorité des jeunes furent en faveur de Teegoosh, je les croyais tous comme moi, aspirant à des vacances éternelles.