ils ne peuvent que me confondre, qui pourrais-je être pour qu'ils s'intéressent autant à moi ? Je tergiverse un moment sur l'option d'aller à cet aéroport ou pas. Ce n'est pas très rassurant de se jeter dans la gueule du loup de la sorte. D'un autre côté je suis conscient que s'ils me tracent vraiment ils sauront dans les cinq minutes que je quitte l'itinéraire. À moins que je me débarrasse de tous ces objets en espérant que l'un d'eux contiennent l'émetteur ? C'est risqué d'autant que je suis dans une situation où je possède un petit avantage sur eux, dans la mesure où ils pensent que je suis toujours prisonnier de leur acolyte. Il est 10 heures 5. Pour être à 14 heures à Charles de Gaulle, sachant que j'ai dû faire cent vingt kilomètres depuis La Rochelle et qu'il doit y en avoir au moins cinq cent entre La Rochelle et Paris, et que de plus il me faut au moins une heure trente pour traverser Paris avec les embouteillages, il me reste à parcourir au moins trois cent cinquante kilomètres en environ deux heures et demie, ce qui représente une moyenne de cent quarante. C'est moins irréalisable que je l'eus cru au premier abord.
J'accélère un peu quand même pour me stabiliser entre cent soixante et cent soixante dix kilomètres par heure. Je redouble d'attention et me concentre exclusivement sur la route pour faire le moins d'erreurs de conduite possible. C'est sans doute mal, au delà des limites autorisées, mais je me suis souvent dit que la loi existait par notre incapacité à appréhender correctement nos propres limites et notre orgueil à ne pas les accepter. Que de lire cent trente kilomètres par heure sur autoroute est aussi dénué de sens que la lecture à la lettre des préceptes religieux. Mais les hommes, souvent, ne savent pas respecter une limite si on ne leur impose pas. Dans le cas présent il y a peu d'autres véhicules, je roule sans musique, je double les intervalles de sécurité et je garde les codes allumés. Certes c'est peut-être justement contre cet a priori bon sens que les lois existent car les gens ne sont pas capable de reconnaître leurs capacités correctement, et que le bon sens est une notion très relative. En quoi le serais-je plus ? C'est bien sûr cette prétention qui crée les situations à risque, les gens qui pensent pouvoir outrepasser la loi, être au-dessus, être capables. Mais la négation de ses capacités n'est pas plus bénéfique à la société que leur exagération. Nous ne sommes pas égaux, mais incombe à ceux qui sont plus résistants, plus intelligents, plus forts, de prendre soin des autres, de se battre pour eux, de ne pas rester dans leur petite vie
égoïste. Être juste, le tout est de savoir où s'arrête la réalité et où commence la fierté. Ah ! Toujours ces questions, le bien, le mal, la justification de braver la loi...
Quoi qu'il en soit la circulation est fluide, peu de bouchons, j'avance vite et je peux même réduire mon allure en voyant que je serai dans les temps. Je ne suis toujours pas convaincu de la meilleure chose à faire. Y aller directement, m'arrêter un peu avant et essayer de voir qui m'attend ou alors passer d'abord à Paris pour voir mon appartement ? Mais dans la mesure où ils me situent, si je choisis de ne pas aller à l'aéroport il faudra que je laisse la voiture et me débrouille autrement... Je décide d'aller directement à Charles-de-Gaulle, fou et trop empreint de l'espoir d'y trouver plus de renseignements sur ce qui est en train de se tramer...
J'ai toujours ma pierre sur moi, posée sur mes genoux, je la reprends en main de temps en temps quand le souvenir du bracelet me hante de nouveau un peu trop.
À l'approche de Charles-de-Gaulle, autoroute A1, j'ai pu éviter le périphérique parisien grâce à l'A86 qui contourne Paris à distance. De plus le trafic est très modéré, il est vrai que nous sommes samedi. 13 heures 32, je devrai être à l'heure, ils ne doivent pas s'inquiéter. À l'approche je suis fort embarrassé par la multitude de halls, portes et points de rendez-vous possibles. J'arrive par le hall F et décide d'avancer encore un peu... Je me gare en définitive entre les halls C et D dans l'espoir qu'ils viendront à moi. Je prévois de sortir de la voiture et de me tenir à distance pour espionner. Mais je n'ai pas le temps de mettre mon stratagème à exécution, au moment même où je sors de la voiture, je ressens une piqûre et je m'endors sur le champ...
Je ne saurais dire combien de temps plus tard je me réveille. Je suis assis dans un fauteuil ou un siège incliné, je me tourne, il y a d'autres sièges, je vois tout flou, mes yeux sont lourds, des personnes se trouvent autour, comme un bourdonnement se fait entendre... L'une d'elles se dirige vers moi, elle porte quelque chose que je ne distingue pas à la main... Mais qu'importe, je me rendors aussitôt, sûrement une nouvelle dose de somnifère...