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pro-Goriodon, j'étais bloquée, les avis ne me laissaient pas de marge de manoeuvre, pas plus que mes parents quand ils eurent échos de mes tentatives de rencontrer des gens qui voulaient partir. Tout le monde me mettait des bâtons dans les roues, et Phamb encore plus que les autres depuis qu'il nourrissait l'espoir de me retrouver. Ragal lui, avait préparé son départ depuis des mois, il avait sans doute appris les techniques pour éviter les avis, utiliser le moins possible le bracelet. Il avait eu toutes les relations nécessaires depuis tous le temps qu'il militait en faveur de Teegoosh. J'étais les pieds et poings liés...

Et je fis comme le reste de la Congrégation, je regardai partir, impuissante, les vaisseaux. Seul quatre des six mois de réflexion s'étaient écoulés et déjà des centaines de milliers de vaisseaux étaient partis. Nous étions désarmés. Les tentatives pour bloquer les vaisseaux s'étaient soldés par des affrontements voire des suicides collectifs. Nous ne pouvions rien faire contre eux. Ils étaient tout puissant. Nous ne pouvions nous lamenter que sur notre incompétence et notre faiblesse.

Le traumatisme était si profond que soixante-seize pourcent des votes furent contre les départs. Mais à quoi bon ? Ceux qui voulaient partir étaient partis. Seuls restaient, impuissants, les autres qui ne comprenaient pas, qui n'acceptaient pas, ou, qui, comme moi, n'avait pas compris, n'avait pas réagis à temps. Après le vote quelques vaisseaux partirent encore, mais très peu, le résultat du vote confortant l'humanité dans une entente massive pour empêcher les départs.

Près de trois milliards six cent millions de personnes étaient parties. Pendant les trois cents années qui suivirent, certains groupes de vaisseaux restaient détectables et chacun pouvaient en suivre la progression dans la carte de la Congrégation. Il y eu plusieurs tentatives d'intersections, quelques milliers de vaisseaux furent contraints de faire marche arrière. Mais la plupart avait choisi des routes à l'écart de toutes flottes de la Congrégation rendant leur interception difficile, d'autant qu'il était pratiquement impossible de stopper un vaisseau à zéro virgule neuf fois la vitesse de la lumière sans prendre le risque de tout détruire. D'autre part beaucoup s'étaient téléportés sur les planètes à l'extérieur des limites de la congrégation et avaient organisé leur départ de là-bas. Seuls quelques pourcent des vaisseaux étaient partis des

limites de la Congrégation. Ragal faisait parti de ceux là, et nous ne l'avions pas arrêté.

Trois cent ans... J'en ai maintenant mille quatre cent. Et de temps en temps je pense que je me demande encore si Ragal est quelque part, loin là-bas. S'il a eu des enfants, une femme, s'il a trouvé la vie qu'il voulait... Et que serais-je devenue si j'étais partie avec lui...

Finalement le Libre Choix fut plus dans les mémoires le souvenir douloureux du départ de nombre d'entre nous. Ceux que nous perdîmes, qui fuirent cette humanité qui ne les avait pas compris. Ceux dont nous oubliâmes la trace dans les limbes d'au-delà des limites. Nous n'eûmes aucune nouvelle, aucun signe, aucun écho, même pas le faible signal électromagnétique de leur activité. Tant aujourd'hui espèrent encore ne serait-ce qu'un signe... Personne n'expliqua pourquoi nous ne réussîmes pas à les détecter. Peut-être le voulaient-ils, par vengeance, en bloquant toutes leurs émissions, peut-être avaient-ils échoué dans des parties hostiles de l'espace, peut-être avaient-ils changé de dimension, de galaxie, d'univers ? Personnes ni ne le savait, ni ne le comprenait. Ils devinrent les hommes de l'Au-delà, et nous parlons désormais d'eux en ces termes.

Notre rancoeur à leur égard est passée, mais nous, qui sommes-nous, avaient-ils raison ou tort ? La Congrégation ne tourna pas plus mal après leur départ. Le travail fut interdit, et tout le monde entra dans une retraite éternelle, méritée ou pas, laissant les artificiels s'occuper de tout.

Mais la victoire de Goriodon ne marquait pas pour moi la fin de mes peines. Les avis étaient toujours fermement persuadés de la nécessité pour les jeunes de faire des études. Quand Ragal partit j'avais presque vingt-sept ans (dix-sept ans). Mon aventure, mes aventures avec lui avaient duré presque quatre ans (deux années adamiennes et demi). Ma majorité devait encore attendre six ans (presque quatre ans). Ce fut un enfer. Six années à pester contre un système stupide qui nous obligeait à apprendre des choses dont nous n'aurions jamais besoin, et d'autant plus après l'interdiction du travail. En plus les études étaient dorénavant exclusivement orchestrées par des artificiels, retirant une grande par de l'aspect humain qui pouvait