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envie de douche.

Je mets donc à profit mes quarante dollars, même un peu plus, économisés en choississant le bus pour louer une chambre d'hôtel pendant deux heures l'après midi, et acheter quelques vêtements neufs, des sous-vêtements, une nouvelle paire de jeans et deux teeshirts. Je complète mes achats par un sac pour garder avec moi mes anciens habits, peut-être porteurs d'indices de mon tumultueux passé.

Le voyage sera long mais même si mon envie de discuter est forte, je resterai seul à somnoler ou regarder le paysage, de peur d'éveiller des soupçons en me confiant à quelqu'un.

Melbourne, Dimanche 27 juillet. J'y suis déjà sans doute venu. Mais quand ? Pour combien de temps, qu'y ai-je fait ? 6 heures 45, le jour n'est pas encore lever, mais mes multiples couches me protègent du froid du matin.

J'ai faim, j'ai l'impression d'avoir perpétuellement faim. J'ai beau manger trois énormes hamburgers dans le premier café ouvert que je trouve, j'ai toujours aussi faim. Sans doute mon sommeil prolongé a-t-il exhausté, ou déréglé, mes sensations.

Melbourne se réveille, les gens s'agitent dans un monde que je connais pas, que je ne connais plus. Je n'ai même plus l'impatience de découvrir d'où je viens. J'ai une sensation étrange, mêlant plénitude, colère, peur du passé, peur du présent. Je ne sais pas ce que j'étais, ce monde que je ne connais même pas me révolte, sans que je sache pourquoi, et tout à la fois je me sens libre, indépendant, et fort. Je ne sais pas comment je suis sorti de ses souterrains, mais ce n'était sans doute pas normal, pas logique... Qui suis-je ? Le fruit d'une expérience ? J'ai le souvenir de super-héros aux capacités démesurées, en serai-je un ? Ne serai-je que dans un rêve, en réalité toujours enfermé dans mon tube ?

Qu'importe, après tout, si je rêve...

Je n'arrive même pas à savoir si j'étais quelqu'un de sociable, gentil, caractériel ou même sympathique. Mais je ne crois pas que j'aimais ce monde...

Ma première étape est de dénicher un plan de Melbourne, pour

pouvoir situer les différentes adresses présentes sur mon carnet et éviter d'inutiles aller-retours. L'opération n'est pas très complexe et trois quart d'heure plus tard et l'achat d'une montre bon marché je suis sur un banc pour noter sur ma carte l'emplacement des différentes adresses.

L'adresse la plus proche est celle d'un cybercafé, auquel je me rends mais je me contente de rentrer et faire un tour au cas où quelqu'un me reconnaisse. Ce n'est pas le cas et dix minutes plus tard je marche en direction de ma deuxième étape, un bar. Peut-être n'étais-je pas coiffé ainsi il y a six mois, pourtant mes cheveux n'ont pas l'air longs de six mois seulement, ils devaient l'être auparavant. Mais il semblerait après réflexion que ceux-ci n'aient pas poussé pendant mon sommeil, car ma barbe ne date pas de plus de quelques jours. Mais avec mes ponchos et mon sac bon marché je dois vraiment passer pour un pauvre type. Sans doute un tour chez un coiffeur ne me ferait pas de mal.

Je demande au barman ainsi qu'aux serveurs s'ils me connaissent, mais si l'un semble avoir une vague impression, c'est largement insuffisant pour me donner un indice. Je consomme un chocolat pour leur permettre de se rafraîchir la mémoire, mais je n'en saurai pas plus.

Une boulangerie, j'ai peur que ce ne soit que l'adresse où j'achetais mes baguettes. J'arrive à m'imaginer le goût du pain et à savoir que j'aimais ça. Mais c'est un nouvel échec, les deux vendeuses, qui font face à une queue étonnante, sans doute le pain est-il bon, ce qui expliquerait que je l'achetais ici, ne me reconnaissent pas du tout. Je prends tout de même le temps de faire la queue pour acheter un pain complet au levain qui me ravit.

Je le mange en passant aux deux adresses suivantes, une lingerie et une adresse de particulier ou il n'y a malheureusement personne, David Crook. Ce nom pas plus que le reste ne m'inspire quoi que ce soit, et je me pose un instant pour préparer la suite des opérations. J'avoue que je commence à désespérer un peu de trouver quelques indices. Les autres adresses sont plus excentrées, et je devrais choisir de me rendre dans la banlieu Est ou Nord.

Mon coeur balance entre Naoma et Matthias, l'un comme l'autre me