page 430 le patriarche 431

Soixante-troisième jour. Je me réveille sans doute tard dans la matinée, les vitres sont de nouveaux transparentes, elles étaient opaques la veille, et une douce lumière suggérant un beau soleil entre dans la pièce. J'ai dormi sans doute bien plus que dix ou douze heures, et ces lits sont une véritable merveille. Erik dort toujours, et j'ai la faiblesse de rester encore un peu au lit, je suis si bien installé. Mais je ne tiens pas plus d'une dizaine de minutes, j'ai toujours eu la grasse matinée difficile. Je me lève. À travers les grandes fenêtres se dévoile le village toujours désert. Le travois n'est plus là, je ne sais pas ce qu'aura fait cette fille avec, mais une chose est sûre, elle l'a déplacé. Je suis bien curieux de savoir si elle a réussi à le bouger toute seule, c'est tout de même assez lourd.

Je me demande si la protection nous empêchant de sortir est toujours active ; mais c'est bien le cas et je réveille Erik quand je me retrouve allongé parterre dans un gros raffut. Erik lui-aussi semble-t-il bénit ces couches ; il se lève pour regarder à travers les fenêtres.

- Naoma n'est plus là, tu as vu quelque chose ?

- Non, je ne suis debout que depuis dix minutes tout au plus.

- On ne peut toujours pas sortir ?

Je me relève difficilement.

- Non... Toujours pas... En tout cas pas moi...

Nous restons un dizaine de minutes à tourner et réfléchir un peu, mais notre marge de manoeuvre est considérablement réduite, tout comme notre imagination créative... Elle revient, finalement, nous l'apercevons, traversant lentement la place, regardant à droite à gauche et s'arrêtant par moment, sans doute pour contempler un oiseau s'envoler ou un joli nuage. Elle ouvre la porte du chalet et entre. Elle nous salue. Elle est vraiment magnifique. Elle nous invite à nous asseoir sur le canapé, ce que nous pouvons difficilement lui refuser. Une fois assis je me rends compte que je ne peux plus bouger mes jambes, sans doute se protège-t-elle d'un peu de véhémence de notre part. Elle dépose un petit panier sur la table, de toute

évidence notre déjeuner, et nous donne de quoi nous habiller plus correctement. Elle se présente je crois, en répétant son nom : "Pénoplée". Nous nous présentons nous aussi, Ylraw et Erik. Erik tente de lui parler de Naoma, en lui faisant comprendre que c'est son nom, et qu'il voudrait des nouvelles.

Pénoplée hésite un instant, semble réfléchir, puis prend un des sortes de petits gâteaux qu'elle a amené et le place dans sa main et nous le présente. Elle fait alors un signe de haut en bas avec sa tête. Ensuite elle le repose et nous montre juste sa paume vide, et là fait un signe de droite à gauche. Nous comprenons qu'elle nous montre comment elle signifie oui et non. En indiquant Erik et le travois, elle fait alors un signe non de la tête, nous informant que les choses ne sont sans doute pas très positives concernant Naoma. Elle nous montre alors son bracelet, et semble nous demander si nous en avons un. Nous répondons que non. Elle continue et demande si Naoma en avait un. Nous sommes toujours négatifs. Elle nous mime ensuite que si Naoma avait un bracelet, elle aurait pu le prendre et le mettre dans un machine, et ainsi faire revivre Naoma. Voilà un élément de plus qu'Erik peut me reprocher dans la mort de Naoma. Erik s'emporte sur le champ :

- T'avais tout faux quoi, le bracelet, le léopard, t'avais tout faux...

Il a raison...

- Comment j'aurais pu savoir ?

- N'empêche que si tu n'avais pas été là nous les aurions pris ces bracelets.

- Et qu'est-ce que t'en sait, hein ? Merde, putain ! OK c'est ma faute, OK ! Mais j'ai jamais rien voulu faire pour vous faire du mal à l'un ou à l'autre, bordel ! Tu crois que ça me fait plaisir, peut-être !

- Tais-toi c'est bon, OK... OK...

Pénoplée sent que la situation se tend. Elle se lève alors, et nous fait signe que nous pouvons manger ce qui se trouve sur la table. Elle quitte la pièce et s'en va. Nous restons quelques instants sur le canapé, puis, sans même que je me sois rendu compte d'avoir