page 214 le patriarche 215

- Tout juste un mois, pourquoi ?

- Juste pour vérifier. Tenez, asseyez-vous, je vais chercher de quoi boire, quelque chose de chaud, vous devez être glacé après votre baignade.

Il est bizarre tout de même. Il quitte la pièce pour aller dans ce que je pense être la cuisine. Je tente de faire un inventaire de la salle, rien d'étrange, uniquement des éléments raisonnablement présents dans une vieille maison. Il revient dix minutes plus tard avec deux chocolats chauds et des biscottes. Je me suis assis dans un fauteuil entre-temps.

- Vous habitez ici depuis longtemps ?

Il semble hésiter.

- Euh non pas très longtemps, j'ai hérité cette maison de ma grand-mère, j'y viens passer des vacances de temps en temps. J'aime ne pas toucher les objets, pour la laisser telle que dans mes souvenirs d'enfance.

- Et tes parents ?

Je ne sais pas trop si je dois le tutoyer ou le vouvoyer, il a l'air jeune. Il hésite encore.

- Euh, je ne les ai pas connus, ils sont décédés dans un accident de cal... de voiture alors que je n'avais que deux ans. Mais buvez, tout refroidit vite par ici, la maison n'est pas beaucoup chauffée.

De cal ? Il a voulu dire la marque de la voiture, sans doute... Je prends la tasse de chocolat, elle est encore bien chaude. Je n'en goûte qu'une petite gorgée, il ne m'inspire pas confiance, je n'en avale qu'un tout petit peu. De la façon dont il m'observe il a forcément mis un produit dedans, surtout qu'il n'en boit même pas et qu'il ne dit pas un mot. Je comprends très vite que c'est un produit pour m'endormir. Le peu que j'ai bu me rend déjà tout engourdi et les yeux lourds. Je décide de faire semblant de m'endormir. Mais le produit est fort et efficace et j'ai du mal à résister. J'hésite même à me laisser aller, à dormir un petit peu... Enfin, après tout ce temps...

Il s'approche, mon ventre se noue, j'ai peur, je n'ai qu'un envie, c'est de partir en courant le plus loin possible. Je me contrôle, j'attends de voir ce qu'il va faire, mais quand je ressens le début d'une piqûre sur mon bras gauche, je réagis violemment et le pousse avec mon autre bras et me dresse d'un coup, il est surpris et se déstabilise en arrière. Je lâche ma pierre dans le mouvement. Je me suis levé un peu vite j'ai la tête qui tourne un instant, mais l'action et l'adrénaline aidant, je me reprends et mettant à profit, à nouveau, mes cours de ju-jitsu, j'arrive à maintenir son déséquilibre et à le prendre en étranglement par derrière. Je vois alors qu'il essayait de me piquer avec une seringue, sûrement de quoi me faire dormir pour de bon après le chocolat. Je n'hésite pas une seconde, je me baisse avec lui toujours en étranglement, et rapidement je prends la seringue et la lui plante bien fort dans les fesses, l'effet est radical, et dans les trois secondes il est écroulé par terre, endormi, tout du moins je l'espère, j'ai un peu peur d'un coup que ce ne soit pas un simple somnifère, mais je suis rassuré après avoir vérifié qu'il respire toujours calmement. Je commence à être un peu énervé :

- Bon ça commence à bien faire ce bordel ! J'aimerais qu'on m'explique avec des mots que je comprends qu'est-ce que c'est que toutes ces salades !

Mais je me dis que c'est un peu tard pour les questions et que j'aurais mieux fait de les lui poser plutôt que de l'endormir. Toutefois cela aurait encore été un moyen de me faire avoir à un jeu dont je ne maîtrise pas vraiment les règles. Il est très bien là où il est, endormi, et j'ai ainsi un peu de temps devant moi.

Le bracelet ! Je me sens de nouveau mal, j'ai besoin de le mettre. Je le sens là, sur la commode. Non ! Ce n'est pas vrai, ça ne va pas recommencer ! Non... Est-ce que c'est parce que je l'ai endormi, est-ce que c'était bien lui qui était parvenu à le contrôler ? Dois-je le réveiller ?

C'est trop dur, je ne peux pas résister, et j'avance malgré moi vers la commode... Non... Non ! Il me faut m'en débarrasser ! Il aurait dû le jeter dans la mer, je n'aurais pas pu faire autrement... Je m'appuie contre la commode, rassemblant un dernier instant mes forces qui s'évanouissent face à lui, je le regarde