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le billet, mais je pourrai peut-être négocier. Toujours est-il que j'ai pour l'instant cinq mille dollars par moi-même, avec lesquels j'espère me payer mes faux papiers. Auquel cas à vous deux entre cinq et six mille dollars me permettraient d'acheter mon billet d'avion.

- Je ne pense pas que Martin rechigne à t'aider en rajoutant deux mille dollars, même le double. Avec la hausse de fréquentation grâce à toi, il a dû largement gagner plus. Écoute, je peux même demain aller acheter un billet pour Paris, et tu n'auras qu'à passer le prendre à la boulangerie.

- Non je préfère venir prendre l'argent directement, suivant comment l'histoire tourne je ne pourrai peut-être pas passer, et alors tu seras bien embêtée avec un billet pour la France. Mais si vous pouvez réellement me prêter suffisamment, ce serait vraiment me sauver de pas mal de galères. Bon mais je ne dois pas traîner maintenant.

- Oui, vas-y... Attends.

Elle m'a poussé pour me faire partir, je me retourne mais elle me rattrape et me retire vers elle. Elle me prend dans ses bras et m'embrasse. Je me laisse faire, après tout, ce n'est qu'un baiser. Nous restons quelques secondes silencieux dans les bras l'un de l'autre, puis Naoma me raccompagne à la porte. Je lui demande de m'excuser pour ses invités et la prends dans mes bras une dernière fois en espérant la revoir le lendemain.

Mais mes affaires se présentent au plus mal dès ma sortie de l'immeuble. Deux hommes, sans aucun doute mes précédents poursuivants, me sautent dessus à peine le perron franchi. Ils ont dû à raison penser que je reviendrais peut-être dans le coin et se sont postés quelque part dans la rue pour observer, c'est vrai que je ne suis pas très malin. M'ayant vu entrer dans l'immeuble, ils n'ont eu qu'à attendre que j'en ressorte. Le premier m'a attrapé au cou par derrière pour m'étrangler, tandis que le second tente de me saisir les jambes. Je réagis sur le champ, le premier reçoit un premier coup de coude dans les côtes, et le deuxième un coup de genou dans les dents. Ce dernier recule de quelques pas, et j'en profite pour marteler le premier de plusieurs nouveaux coups de coude. Il relâche progressivement sa prise. Restes de cours de ju-jitsu, je l'attrape et

il passe par-dessus mon épaule et tombe brutalement sur le dos dans les marches d'escaliers qui forme le perron devant l'immeuble. Le second s'élance alors vers moi mais j'ai le temps de basculer en arrière et de le faire lui aussi voler par-dessus moi, en roulant en arrière et le projetant avec ma jambe, le pied contre son ventre. Des personnes commencent à s'attrouper autour et je réalise que je devrais partir au plus vite avant d'avoir affaire à la police. Le premier homme a l'air assommé, mais le second est sur le point de se relever. Je lui en fais passer l'envie et surtout les moyens en sautant de tout mon poids sur sa cheville gauche. Un gros crac se fait entendre ainsi qu'un cri de douleur.

Les deux hommes étant pour l'instant, j'imagine, hors d'état de nuire, je pars en courant pour m'éloigner du quartier et chercher un bus qui me ramène vers le centre. Cette bagarre a été un peu facile, et je suis bien étonné de m'en être tiré à si bon compte. Pas de bleus, pas de blessures, décidément soit ces voyous n'étaient que de pacotille, bien loin de la trempe des gros durs que j'ai connus au Mexique et à Sydney, soit l'activité de boulanger a un effet bénéfique sur l'autodéfense ! Je pense plus logiquement à l'effet de surprise. Ils devaient être sûrs d'eux et pas prêts à en découdre, et en réagissant vite et bien, ils n'ont rien pu faire. Satisfait de moi je cours pendant un kilomètre ou deux avant de tomber sur un bus retournant en centre ville, d'où je pourrai par la suite emprunter le tramway qui dessert Richmond.

Il est tard, j'ai un peu peur de ne plus trouver ce Matthias, d'autant que je crains le pire vu sa paranoïa apparente. Si le chemin pour le retrouver ressemble à la même piste au trésor que ma précédente visite, la nuit sera longue. Je ressens de nouveau cette impression de bête traquée, maintenant où je ne peux plus vraiment me déplacer sans risquer de me faire repérer. Je me rends directement au bar où j'avais rencontré la personne qui m'avait dirigé alors jusqu'à lui. Je ne la trouve pas. Mais de nombreuses autres personnes sont sur place et je m'apprête à demander à l'une d'elles quand soudain un des hommes, qui était aussi présent lors de ma visite, m'interpelle et se dirige vers moi. Étonnamment j'ai l'impression qu'il me considère comme son ami, plaisante et demande de mes nouvelles. Je suis surpris qu'il se rappelle même de moi et je suspecte qu'il a eu lui aussi écho de ma photo et de l'éventuelle prime associée. Je reste sur mes gardes