elle ne savait pas vraiment ses dépenses à venir, mais dans une telle aventure chaque cents d'économisé était potentiellement un source d'ennui en moins pour l'avenir. Elle ne savait non plus trop que penser des coutumes locale, tant sur l'hospitalité que ce qui était concevable ou ne l'était pas, et se garda d'émettre la moindre opinion sur la proposition de Tocman. Elle ne fit d'ailleurs guère de manière et dormi simplement en caleçon et tee-shirt large, elle connaissait bien les hommes, de toute façon, et savait qu'elle avait peu à craindre de son hôte. Deborah ne pensait pas le soir avant de s'endormir, pas qu'elle ne le voulut pas, mais elle s'endormait si vite qu'elle avait rarement le temps de trouver même à quoi penser.
Deborah se réveilla tôt, beaucoup trop tôt. Tocman dormait encore profondément, émettant un charmant petit sifflement. Elle sourit en le regardant. Elle regretta un peu de lui avoir menti, elle se dit qu'il était gentil, et que ce n'était pas très raisonnable de sa part de se servir de lui. Elle se promit de tout lui expliquer à partir du moment où elle aurait confiance en lui. Elle était en France depuis tout juste une journée et déjà dans le lit d'un homme ! Cette pensée la fit sourire. "Pauvre Billy", se dit-elle. Elle était assez contente d'elle, elle avait déjà trouver quelqu'un qui allait la renseigner. Elle s'inquiéta un peu de trop traîner, peut-être devrait-elle déjà partir vers les parents d'Ylraw ? Peut-être était-ce plus urgent qu'elle ne le pensait ? Il lui faudrait absolument trouver un cybercafé dans la journée pour relever son courrier électronique. Peut-être même que son hôte avait un accès internet, il était informaticien, après tout. D'un autre côté il était bien jeune, il devait avoir à peine 20 ans. Elle se sentait un peu vieille, pas tellement qu'elle était fatiguée, ou qu'elle ne se sentait pas en forme, bien au contraire, le travail au ranch lui apportait de l'exercice physique plus qu'il n'en fallait, et elle ne doutait pas de sa force, mais plus qu'elle se sentait dans un monde différent. La gestion de l'exploitation, des employées, des clients, lui demandait de paraître mature et professionnelle, et elle se comportait si souvent comme le patron de sa petite entreprise qu'elle en avait un peu perdu sa jeunesse. C'était peut-être cela, après tout, qu'elle recherchait dans les multiples hommes qu'elle fréquentaient, retrouver sa jeunesse, peut-être encore plus que cette volonté de les dompter, cette volonté de se venger de son père, cette volonté de combattre cette frustration de se sentir si faible face à lui.
Elle se souleva un petit peu pour voir l'heure sur le réveil, 5 heures 35, il était encore bien tôt, et elle avait peur de ne pas pouvoir se rendormir. À quelle heure pouvait-il bien se lever ? 7 heures ? Il lui faudrait bien encore attendre un heure et demi... Elle pouvait peut-être se lever ? Mais pour faire quoi ? Ah Ylraw ! Allait-elle le revoir ? Comment le croire ? Elle l'avait vu, mort. Bien sûr Naoma lui avait raconté ces histoires d'organisation, de tubes, de Lune, mais comment admettre une histoire pareille ? C'était, en un sens, remettre en question sa conception même du monde, des pays, du pouvoir...
Deborah rêvassa une bonne heure puis se rendormit finalement, et c'est dans un étrange rêve où elle était perdue dans une planète ville géante, véritable labyrinthe où tous ses anciens copains la poursuivaient pour lui demander des comptes, qu'elle fut réveillée par la sonnerie du radio-réveil de Tocman.
Il fallut une bonne dizaine de minutes à Tocman avant d'ouvrir les yeux, et surtout de se rappeler la présence d'une superbe créature à ses côtés. Il tourna alors la tête vers elle.
- Bonjour, ça va ?
Deborah comprit "Bonjour", mais pas le reste, Tocman lui avait parlé en français.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
Tocman lui traduit.
- Je vais bien, merci.
- Tu as bien dormi ?
- Oui, je me suis réveillée assez tôt, décalage horaire, mais je me suis rendormie.
- Qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui ?
- Et bien ça dépend un peu de toi.
Tocman eut une giclée d'adrénaline. Voulait-elle le revoir,