page 420 le patriarche 421

- Tu as vu tout ce que nous avons subi aujourd'hui ! Ce n'est pas pour lâcher maintenant, on n'y arrivera !

- Te fatigue pas, je vois bien que tu n'y crois pas plus que moi, tu n'as pas le talent d'Énavila. Je vais me battre avec toi, même si ce n'est que pour repousser notre fin de quelques jours...

- Bon, préparons-nous. Est-ce que l'on peut mélanger les barres ?

- Normalement oui, mais il faut qu'elles soient toutes les deux en phase molle.

- OK, normalement il va y avoir un puissant souffle avant l'arrivée de l'eau, il devrait dégager les grillés qui restent, nous on devrait être épargné, en espérant que l'arbre au-dessus ne va pas s'effondrer. Dès que les grillés disparaissent, il faut transformer les barres en ballon et y stocker le maximum d'air. Il faudra bien les accrocher pour ne pas que l'eau les arrache.

- Nous n'aurons que quelques secondes, c'est impossible !

- Est-ce qu'on peut préparer à l'avance la forme que doivent prendre les barres ?

- Oui mais si tu veux les mélanger, il faut le faire avant.

- OK, aide-moi, tiens les grilles, je vais déjà en mélanger deux puis deux. On fera deux ballons, c'est de toute façon mieux si jamais on en perd un.

- On ferait mieux de garder les barres pour nous protéger de l'eau, de la boue et de la pression, on va se faire recouvrir !

- Écoute j'en sais rien ! J'en sais rien de ce qu'on doit faire !

- Je voudrais sortir, je ne veux plus rester là, je veux voir ce qu'il se passe dehors !

- On ne peut pas sortir pour l'instant, Sarah, on va se faire bouffer par les grillés !

- Merde ! On va crever de toutes façon, j'ai envie de sortir !

Fais chier !

- Moi je reste là, de toute façon je ne peux pas laisser Énavila, et je ne pourrai pas la porter dehors. Alors sors si tu penses que c'est mieux, après tout chacun peut choisir sa façon de mourir.

Sarah hésite, les grillés continuent à s'attaquer à la grille, ils sont toujours aussi hargneux.

- J'ai peur.

- Moi aussi j'ai peur, Sarah.

Je m'approche d'elle et je l'embrasse sur la joue, elle est surprise. Je la prends par la main.

- Je vais remonter un peu Énavila, de façon à pourvoir la maintenir plus facilement.

Je tire doucement Énavila pour la déposer entre nous deux, elle est toujours inconsciente. Elle est encore en vie, son bras est vraiment salement amoché.

Quelques minutes de répit. Je souffle, je serre Énavila contre moi et tente de me reposer un peu. Est-ce que le barrage a vraiment cédé, n'est-ce que des éboulements sur les bords de la vallée ? Le tremblement continue, le bruit sourd s'intensifie peu à peu... J'ai tellement peur... Je ne sens même plus la douleur, je suis exténué, mes muscles me brûlent, je suis tant fatiguer. Et il va encore falloir ce battre, pour remonter à la surface, pour ne pas couler. Je hais l'eau ! Je hais l'eau !

Qu'est-ce qu'on est censé faire juste avant de mourir, sa confession ? Se rappeler toutes les belles choses qui nous sont arrivées histoire de partir au paradis avec une bonne dernière impression ?

Je n'ai pas vraiment envie de mourir maintenant, quand est-ce qu'on est vraiment sûr qu'on va mourir, quand on a la tête sur le billot, quand on est assis sur la chaise électrique ? À quoi est-ce que l'on pense, alors, à ce qu'aurait pu être notre vie si jamais ? Si