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comprenais alors que ce qui m'intéressait vraiment, c'était gérer les gens pour les faire avancer, pour structurer leur travail, augmenter leur efficacité, améliorer la communication, résoudre les conflits.

Mon travail me prenait de nouveau beaucoup de temps, et de plus Ragal s'était absenté pour quinze jours (un petit sixième) à l'occasion d'une conférence organisée par les pro-Teegoosh. Le débat était toujours grandissant, et la voix de Goriodon se faisait de plus en plus présente au Congrès. Ragal était profondément convaincu de la justesse de Teegoosh, et, même si somme toute nous n'en parlions pas si souvent, nous nous opposions toutefois nos points de vue de temps en temps.

Il ne me manqua pas. Quinze jours sans le voir, et au contraire je me sentais plus libre, plus disponible pour mes amis. À son retour nous discutâmes de ce sentiment. Je voulais surtout que nous tentions de réfléchir ensemble à la situation, mais lui compris que je voulais arrêter de nouveau. Ce malentendu me satisfit, et nous nous séparâmes une seconde fois.

Mais tout n'en finit pas là. Je le vécus mieux que la première fois, sans doute parce que j'avais un plus grand besoin de liberté, ou que les quinze jours depuis lesquels je ne l'avais pas vu m'avaient déjà préparée à cette solitude. Mais c'était sans compter sur l'attirance que Ragal avait sur moi, et encore quinze jours plus tard nous couchions de nouveau ensemble. Toutefois la situation resta ambiguë ; je ne me considérais pas comme sortant avec lui, pour autant il fallait bien reconnaître que nos comportements ne changeaient pas beaucoup de notre relation jusqu'à lors.

Cette période ambiguë perdura plusieurs mois. Puis il ne supporta plus cette situation floue. Il m'envoya un message écrit, chose suffisamment rare pour être remarquée, me spécifiant qu'il en avait marre et qu'il préférait que notre relation en restât là. Il m'annonça cette décision juste avant quelques jours que je devais passer en famille pour la naissance d'un cousin. Les naissances restaient un moment de joie, d'autant plus qu'elles étaient quelques choses d'extrêmement rares. Je ne me voyais vraiment pas avoir des enfants. Je ne voyais vraiment pas ce que j'aurais pu en faire. Mais, heureusement peut-être, certaines personnes continuaient à s'aimer et à vouloir créer quelques choses ensemble. Quoi qu'il en soit ces

quelques jours furent exécrables. J'étais vraiment triste. Je ne comprenais pas... Je ne comprenais pas ce qui faisait que c'était si dur, pourquoi j'avais tant de mal à accepter de ne plus le voir.

Je ne résistai pas à l'envie de l'appeler. Je ne supportai pas l'idée qu'il pût ne pas être triste lui-aussi, peut-être par orgueil, sûrement parce que je ne voulais pas que nous nous arrêtâmes ainsi. Nous nous vîmes deux jours après mon retour. Ce fut dur pour moi mais je parvins à lui dire que je ne voulais pas que notre histoire se terminât ainsi. Il ne le voulait pas lui non plus, c'était juste une méthode pour me faire réagir, pour me faire prendre conscience que je tenais à lui, et que notre relation n'était pas si inexistante que je l'avais prétendu. Je n'ai jamais vraiment su s'il avait attendu le moment opportun, car quelques mois plus tôt je n'aurais sans doute pas réagi de la sorte, ou si c'était juste qu'il ne tolérait plus la situation.

Tout se passa bien pendant une année adamienne complète, soit un peu plus d'un an et demi. Je ne l'embêtais plus avec mes sorties, nous nous voyions un jour sur deux ou sur trois. J'étais très occupée et ce rythme convenait à mon emploi du temps. Je n'avais pas vraiment besoin de plus. Ce fut l'année ou le débat entre Goriodon et Teegoosh fut ouvertement porté à la connaissance de tous. Les pré-avis donnaient raison à Goriodon, et cela poussa Teegoosh à être beaucoup plus incisif pour faire regagner confiance en ses idées. Ragal militait activement avec ses amis du labo en faveur de Teegoosh, alors que je subissais un lavage de cerveau pro-Goriodon chaque fois que je passais une soirée avec Phamb.

Et de nouveau, rebelote, mon travail m'ennuya, je cherchai en Ragal un moyen de me faire oublier un peu cet ennui, mais il était tellement occupé. Alors je m'éloignai, je laissai aller les choses. Pendant presque un mois (deux petits sixièmes) je trouvais prétexte pour refuser de le voir, pour me laisser le temps de l'oublier.

Il ne s'en rendit peut-être même pas compte. Les avis avaient décidé d'une consultation pour choisir entre Teegoosh et Goriodon avec une période de réflexion d'une année adamienne. Ragal passait donc le plus clair de son temps à défendre ardemment les idées de